Qui n’aime pas créer un effet « wouahouuu », en mode loup-garou (sportif) ou effeuillage (distingué) une fois la nuit tombée ? Eh bien, les horlogers en sont fans, eux aussi ! Avant tout pour des objectifs purement fonctionnels, car il est très utile de rendre visibles des indications là où il n’y a pas de lumière – dans la nuit ou sous l’eau. Depuis l’invention des premières matières luminescentes au XIXe siècle, la phosphorescence représente un élément essentiel des « montres instruments ». Mais, au-delà de cet univers sportif, elle se réduisait le plus souvent à un discret bonus. Aujourd’hui, des possibilités techniques prospèrent sous le soleil des innovations et l’imagination de certains horlogers se libère. Et si la luminescence s’envisageait aussi comme un élément créatif et distinctif fort, toutes catégories confondues ? Après les collaborations de MB&F et de Sarpaneva avec Black Badger en 2015 (voir encadré Les brillants outsiders), Montblanc et Bovet ont présenté cette année des montres qui se démarquent. Suivez l’étoile, le règne de la luminescence ne fait que commencer !
Céramique magique
Montblanc a développé en 2014 le concept de « cadran mystérieux », doté d’effets de luminescence insoupçonnables de jour. La marque l’a d’abord présenté sur un modèle classique, Hommage à Nicolas Rieussec, dont le tour d’heure en céramique blanc cassé révélait de nuit des chiffres arabes. « Cette année, nous avons décliné le concept du “cadran mystérieux” en version noire sur la TimeWalker ExoTourbillon Chronograph LE 100 all black DLC. Son excellente luminosité, avec un bandeau visible de nuit uniquement, correspond aux exigences d’une montre de sport. Avec, en plus, la magie de cette luminescence inattendue. Son affichage très noir de jour s’accorde parfaitement à son design racing, même avec un mouvement rhodié en noir. Les “cadrans mystérieux” permettent de créer des effets d’animation inédits, avec, pourquoi pas un jour, une signature visuelle nocturne forte. »
En plus de la traditionnelle dépose de pigments, une vaste gamme de nouveaux matériaux peut être rendue luminescente, des composites à la céramique, et tout cela en différentes couleurs.
Réalisée par la société autrichienne Invicon, la technique possède réellement quelque chose de magique ! Il s’agit en effet d’une conséquence inattendue d’un accord parfait de céramiques « ton sur ton », l’une luminescente et l’autre non. Comme leurs teintes correspondent parfaitement – avec quasiment toutes les variations de couleur imaginables – impossible de les distinguer à la lumière. Et voici comment procède en coulisses le « deus ex machina » : une première couche de céramique, la HyCeram, est gravée au laser des motifs désirés (chiffres ou dessins). Ensuite, ces cavités sont remplies de céramique luminescente, la HyCeram SLN, qui contient 35 à 70 % de pigments de Swiss Super-LumiNova (SLN). Enfin, le tout est parfaitement poli. Et alors, it’s a kind of magic : invisibles de jour, les motifs se révèlent dans le noir.
MB&F Novelties at Baselworld 2016
Pour encore mieux dompter les ténèbres, le matériau présente tous les avantages liés à la céramique. Résistance à l’usure et bien sûr aux griffures, possibilité de différents effets de finitions ou encore application possible sur plusieurs types de matériaux ouvrent de nombreuses perspectives. On pense par exemple à l’ajout d’éléments luminescents directement sur la couronne ou la lunette, sans nécessiter d’encapsulage ou autre forme de protection.
Pinceau lumineux
C’est une première mondiale : début 2017, Bovet dévoilait une montre dont le cadran présentait une peinture miniature de papillon phosphorescent de nuit ! Par la suite, la marque déclinait la technique sur une composition de fleurs en bouquet ainsi que sur un dessin de tigre. Last but not least, créé spécialement pour la vente aux enchères caritative Only Watch 2017, le cadran Secret Beauty flirte quant à lui (oh, si légèrement !) avec la pudeur. Réservée de jour, une geisha se dévoile dans l’ombre – hommage à la tradition des montres érotiques.
Sarpaneva Watches – Korona K0 Northern Lights – day and night
Si la technique permet une grande liberté dans le choix des sujets, la réalisation n’en reste pas moins exigeante. Pour l’artiste qui réalise les miniatures, il s’agit de peindre deux tableaux – l’un en peinture traditionnelle et l’autre en pigments de SLN (Super-LumiNova), visible de nuit uniquement. L’artiste peintre réalise directement la peinture luminescente en pleine lumière. Difficile mais pas impossible : de nombreux allers-retours entre jour et nuit lui permettent de vérifier son travail. En peinture miniature, l’épaisseur de la SLN, matériau granuleux, peut constituer une difficulté autant qu’un atout. Sa texture permet par exemple de jouer avec les volumes et de créer un effet velours. Vient ensuite le moment de peindre la peinture « traditionnelle » non luminescente. Et comme elle vient par-dessus la SLN, elle adopte un régime maxi-minceur pour l’obscurcir le moins possible. Enfin, l’artisan applique un nouveau « coup de phare » phosphorescent sur certains endroits stratégiques. Ainsi, le cadran comporte réellement deux peintures miniatures, superposées et pourtant totalement distinctes. L’éventail de possibilités laisse rêveur : motifs et inscriptions visibles de nuit uniquement, peinture sur émail comme sur d’autres matériaux, ou même mélange avec de la poudre d’or.
Ainsi brille la luminescence horlogère version 2017 : sportive, mystérieuse et design chez Montblanc, ou alors pour la première fois purement artistique chez Bovet. À travers la phosphorescence, le monde de la nuit révèle une dimension totalement différente. Les horlogers prêts à explorer cet autre côté devraient se multiplier… Gardez les yeux ouverts, cela se verra !