Rencontré à Baselworld, Marc Hayek fait le point sur Blancpain, Breguet et Jaquet Droz, trois des six marques constituant le segment Prestige du groupe Swatch, dont il a la responsabilité.
Marc Alexandre Hayek : Non et nous n’avons évidemment pas l’intention de le faire. Breguet est une marque qui parle d’histoire. Quand j’étais plus jeune, elle me faisait immanquablement penser à Napoléon, qui en était d’ailleurs un grand admirateur. Je tiens absolument à respecter cet ancrage historique qui se traduit notamment par un guillochage des montres Breguet dans les règles de l’art les plus pures. Mais n’oublions pas qu’Abraham-Louis Bréguet est un horloger de génie qui a fait progresser la montre mécanique. Nous voulons également rester fidèle à cet esprit d’innovation, comme le démontrent les pièces que nous avons présentées cette année à Baselworld.
Pour ce qui est de Blancpain, la notion de « sport chic » lui correspond bien. Pendant longtemps, la marque a été très sport, puis exclusivement classique. Une combinaison des deux, sous l’appellation mécanique d’« élégance », lui convient très bien. Quant à Jaquet Droz, c’est en effet dans les automates et les métiers d’art que la Maison doit se distinguer, une démarche très bien illustrée par le cadran réalisé en mosaïque de coquille de caille que nous présentons cette année ou la Charming Bird, le premier oiseau chanteur jamais réalisé en montre-bracelet. Nous étions arrivés il y a deux ans avec un premier prototype. Après un gros travail effectué sur l’acoustique, ce modèle est aujourd’hui parfaitement abouti. Il sera décliné en deux éditions limitées de 28 pièces.
Blancpain et Breguet gardent leur identité propre et leurs développements techniques propres.
Blancpain et Breguet gardent leur identité propre et, de ce fait, leurs développements techniques propres. Pour citer un exemple, le régulateur magnétique appartient à Breguet et à aucune autre marque du Groupe. Cela dit, il est évident que si nous réalisons des progrès dans des domaines comme celui des matériaux − je pense là au silicium −, nous allons les partager. Dans le même ordre d’idées, si la céramique appartient avant tout à Blancpain, il n’est pas exclu d’en faire profiter la collection Type XX de Breguet, conçue à la base pour l’aéronavale française. Pour ce qui est de Jaquet Droz, c’est Blancpain qui lui fournit ses mouvements et qui développe ses spécificités mécaniques comme la Grande Seconde Morte de cette année. Celles-ci sont d’ailleurs conçues en exclusivité, pourrait-on dire, pour la marque. Ce rapprochement est tout à fait logique. Monter Jaquet Droz en manufacture n’aurait aucun sens.
Il est évident que les choix stratégiques effectués ces dernières années ont toute leur importance. Breguet, par exemple, que nous avons poussé en Russie, souffre de la chute du rouble. À l’inverse, c’est Blancpain qui est plus exposé au ralentissement chinois du fait de sa meilleure implantation dans la région. En Inde, pour citer un troisième marché, Bancpain n’a jamais rencontré le succès de Breguet, qui ne vend toutefois pratiquement que des Reines de Naples dans ce pays. Autrement dit, on peut difficilement généraliser, tant les différences locales peuvent être importantes. Plus généralement, ce que l’on peut constater, c’est une baisse du prix moyen du fait que les amateurs s’orientent actuellement vers des produits moins chers. Dans ce contexte, allons-nous cesser de réaliser des montres Breguet avec cadran en or pour certains marchés ? Certainement pas. C’est justement durant ces périodes qu’il faut savoir résister !
Nous avons toujours gardé une approche des plus pragmatiques, soumise à un contrôle rigoureux des coûts.
Non, mais cela ne veut pas dire que nous allons investir pour la beauté du geste. Au sein du Swatch Group, nous avons toujours gardé une approche des plus pragmatiques, soumise à un contrôle rigoureux des coûts. Si nous avons engagé des collaborateurs et continué à investir massivement ces dernières années, c’est parce que cela correspondait strictement à nos besoins. En ce sens, rien n’a changé. Au sein des trois marques que je dirige, nous avons par exemple des postes ouverts. Pour ce qui est du groupe Swatch sur l’ensemble de l’année, nous nous attendons d’ailleurs à une progression des ventes en ligne avec celle de 2014, où le chiffre d’affaires brut a pour la première fois dépassé les 9 milliards de francs, en hausse de près de 5 %. Alors même si les prix moyens baissent, comme je l’ai indiqué, nous ne voyons aucun fléchissement au niveau des volumes, bien au contraire. Au niveau du Groupe, les premiers mois de l’exercice en cours ont été en croissance.
Pour l’instant, il s’agit d’un marché difficile. Apple est ainsi en train de déverser des millions pour le lancement de son produit, ce qui ne me déplaît pas. Comme la compagnie a davantage de moyens marketing que toute l’horlogerie suisse réunie et qu’elle parle de montres, on aurait tort de s’en plaindre. Mais, pour moi, la montre connectée est toujours un produit à ranger dans la catégorie de l’électronique de loisirs. Et à cet égard, elle offre plus d’inconvénients que d’avantages, notamment si on la compare à un téléphone intelligent dont elle dépend. À mon avis, cela explique le succès plus que mitigé pour l’instant de l’iWatch.