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Mécanique horlogère, le coup de pouce de l’Unesco
Culture

Mécanique horlogère, le coup de pouce de l’Unesco

lundi, 12 juillet 2021
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Christophe Roulet
Rédacteur en chef, HH Journal

“Vouloir est la clé du savoir.”

« Une trentaine d’années passées dans les travées du journalisme, voilà un puissant stimulant pour en découvrir toujours davantage. »

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8 min de lecture

L’inscription de la mécanique d’art et de la mécanique horlogère au patrimoine culturel immatériel de l’Unesco a été perçue comme une victoire. Six mois plus tard, les acteurs s’organisent déjà. Avec une mise en garde, toutefois, quant à la participation indispensable des « gens du métier ». Message reçu « 5 sur 5 » à Sainte-Croix.

Toute proportion gardée, l’inscription en décembre dernier des savoir-faire en mécanique horlogère et mécanique d’art sur la Liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité tenue par l’Unesco pourrait bien s’apparenter aux récents succès de l’équipe helvétique au Championnat d’Europe de football. Certes, l’annonce de la nouvelle n’a pas provoqué une liesse populaire poussant les gens à faire la fête dans la rue, mais, à n’en pas douter, il s’agit d’une victoire ! « De nos jours, on parle de plus en plus de mondes virtuels, d’intelligence artificielle et d’outils numériques. Dans ces circonstances, autant dire que le travail manuel est de plus en plus déconsidéré, explique Nicolas Court, automatier et horloger à Sainte-Croix. C’est pourquoi cette inscription sur la liste de l’Unesco représente une forme de reconnaissance des valeurs propres à nos métiers et de nos savoir-faire. À un moment où on aurait presque pu se sentir abandonnés, on remarque que nos activités sont dignes de reconnaissance et même d’estime. Alors oui, on peut parler d’une petite victoire. »

Le pouls d’une région

Si, d’aventure, cette victoire avait effectivement été perçue comme un exploit sportif, autant dire que les personnes prêtes à la célébrer auraient été suffisamment nombreuses pour faire une « nouba » d’enfer, en sachant que la branche horlogère emploie directement 50 000 personnes en Suisse et encore 10’000 en provenance de France le long de cet Arc jurassien dépositaire de ces savoirs. Troisième secteur d’exportation helvétique, derrière la pharma et l’industrie des machines, l’horlogerie représente en effet la substantifique moelle d’une région, autant pour son apport économique que pour sa dimension culturelle. « À la croisée des sciences, des arts et de la technique, ces savoir-faire conjuguent des compétences individuelles et collectives, théoriques et pratiques, dans le domaine de la mécanique et de la micromécanique, explique le dossier de candidature. Dans cet espace franco-suisse, une grande diversité d’artisans, d’entreprises, d’écoles, de musées et d’associations valorisent et transmettent ces techniques manuelles à la fois traditionnelles et tournées vers l’innovation. »

La mission des écoles d’horlogerie doit naviguer entre le tour de main et la commande numérique.

L’École d’horlogerie de Genève est concernée au premier chef par cette mission. Une mission qui doit effectivement naviguer entre le tour de main et la commande numérique. « Ce qui explique toute l’importance de cette inscription auprès de l’Unesco, relève Pierre Amstutz, son directeur. Une décision magnifique mais surtout fondamentale en ce qui nous concerne. Si l’on écoutait les industriels, cela ne prendrait pas beaucoup de temps avant que les écoles du pays laissent tomber certaines formations. Notamment tout ce qui a trait au pivotage, une tradition en horlogerie. Or ce module qui existe chez nous sera bel et bien maintenu. Il est très important que les écoles d’horlogerie du pays s’assurent de maintenir ces formations afin de conserver ces savoirs. » Les écoles ne sont toutefois pas les seules à réagir. Six mois après avoir obtenu le sésame de l’Unesco, les instances concernées sont déjà à pied d’œuvre. C’est notamment le cas du projet Interreg Arc Horloger, piloté côté suisse par le Pôle de développement régional réunissant les cantons de Berne, Jura, Neuchâtel et Vaud et, côté français, par Grand Besançon Métropole. Également partenaires du projet, le Musée international d’horlogerie de La Chaux-de-Fonds (MIH), l’Office fédéral de la culture, la Ville de Besançon et son musée du Temps ainsi que le Pôle d’équilibre territorial et rural du Pays horloger français (groupement de communes situées le long de la frontière suisse entre Morteau et Maîche).

Trois objectifs

Comme précisé au lendemain de la « victoire », le projet Arc Horloger poursuit trois objectifs : la création d’une structure de coordination transfrontalière, la création d’outils d’animation et de communication, et la mise en œuvre des premières mesures de sauvegarde annoncées dans la candidature Unesco. Première manifestation de cette nouvelle dynamique : une exposition photo conjointe au MIH et au musée du Temps. Une sorte de mise en bouche, car le meilleur est évidemment encore à venir. Comme l’explique Michel Bourreau, horloger restaurateur et prototypiste qui a œuvré au dossier de candidature auprès de l’Unesco, « dans l’immédiat, nous sommes chargés de réunir un comité de pilotage dont la tâche sera de mettre en place la structure définitive ayant précisément pour mission, dès 2023, de valoriser et pérenniser les savoir-faire en matière de mécanique d’art et de mécanique horlogère. Dans cette optique, le projet Arc Horloger a déjà lancé un vaste questionnaire afin d’identifier les « porteurs de savoirs », car il s’agira évidemment de créer une base de données exhaustive concernant les différentes formations et notamment les formations qui sont le plus en danger. À ce stade, on peut déjà dire que le principal défi sera de trouver un équilibre entre les grands industriels, qui ont des moyens financiers et de communication, et les petites entreprises, dépositaires d’un savoir-faire artistique et culturel. »

« Au niveau de la motivation, cette annonce concernant l’Unesco est vraiment géniale ! »

« Mais surtout, avertit Denis Flageollet, cofondateur de De Bethune, n’oublions pas les gens du métier. » Dans ce qui apparaît pour l’instant comme une démarche essentiellement administrative, c’est sur le terrain et avec les professionnels de la mécanique d’art que doit également s’organiser la campagne de valorisation de ces savoirs. Message reçu « 5 sur 5 » à Sainte-Croix, qui n’a pas attendu l’inscription de décembre dernier pour s’organiser. « Au niveau de la motivation, cette annonce concernant l’Unesco est vraiment géniale, poursuit Denis Flageollet. C’est un encouragement à nous engager pour cette mission de maintien des savoir-faire mécaniques. Le piège est de ne pas tomber dans une démarche où les effets d’annonce l’emportent sur les résultats concerts. » De fait, à Sainte-Croix, c’est exactement l’inverse qui est en train de se produire avec Mec-Art comme épicentre, une association qui vient de recevoir le soutien plein et entier de la Commune, ainsi que l’aide du canton de Vaud. Une association qui vient précisément de nommer Michel Bourreau comme nouvel intendant et qui a bien l’intention de développer ses formations en mécanique d’art lancées en 2018 déjà, tout en devenant une véritable « fab lab » pour tous les intéressés de la région. Transmission des savoirs, mais aussi catalogue des formations disponibles ou encore programme de soutien aux professionnels en quête de spécialisation, la dynamique est enclenchée à Sainte-Croix avec des besoins spécifiques à combler en matière d’outillage et d’équipement (avis aux manufactures…).

Tous les savoirs sont présents à Sainte-Croix

Pour Denis Flageollet, ce formidable élan tient à la situation exceptionnelle de Sainte-Croix, « le seul endroit au monde où tous ces savoirs sont présents, dans les boîtes à musique, dans les automates comme en horlogerie. De plus, nous sommes très bien entourés avec le Centre professionnel du Nord vaudois, l’école d’ingénieurs d’Yverdon et l’École polytechnique fédérale de Lausanne. Sans oublier notre propre technopôle. Nous avons ainsi les capacités de valoriser la tradition en mécanique d’art mais en parfaite complémentarité avec les nouvelles technologies. Ce pôle de compétences propre à Sainte-Croix commence d’ailleurs à attirer des talents. Ce qui correspond parfaitement à notre objectif. Au final, je dirais que c’est génial de voir ce qui est en train de se mettre en place avec le coup de pouce bienvenu de l’Unesco. Aujourd’hui, nous avons clairement besoin qu’une nouvelle génération de mécaniciens d’art prenne progressivement la relève ». Cap sur Sainte-Croix…

Forum de la formation

Ryma Hatahet, conservatrice du patrimoine spécialisée en horlogerie, propose une conférence interprofessionnelle en horlogerie et mécanique d’art qui se produira alternativement en France et en Suisse. La première édition est prévue sur une journée, avec conférences et tables rondes, la veille des prochaines « 24 Heures du Temps » à Besançon.

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