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Mines d’or artisanales, une fâcheuse bénédiction
Economie

Mines d’or artisanales, une fâcheuse bénédiction

lundi, 9 novembre 2020
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Christophe Roulet
Rédacteur en chef, HH Journal

“Vouloir est la clé du savoir.”

« Une trentaine d’années passées dans les travées du journalisme, voilà un puissant stimulant pour en découvrir toujours davantage. »

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7 min de lecture

Dans l’extraction d’or, les mines artisanales sont un enjeu majeur tant pour le développement des populations que pour le crime organisé. Sujet à controverse dans la filière de l’or, elles étaient au centre des débats lors du récent Basel Gold Day du professeur Mark Pieth. L’importance de ce secteur informel en troisième partie.

Lorsque l’on parle des richesses minières de la planète, celles qui finissent par briller comme les plus beaux symboles du luxe, l’appellation « dirty gold » sonne comme un anathème. Comment arborer en toute insouciance montres et bijoux dont l’or pourrait provenir de mines exploitées en total irrespect des droits humains et de l’environnement ? Si l’on constate une certaine prise de conscience au niveau du client final, force est également de constater qu’au niveau de l’extraction d’or tous les problèmes ne sont pas résolus. Tant s’en faut. Il y a quelques mois, par exemple, le Pérou faisait à nouveau parler de lui sur ces questions pour avoir organisé une descente policière au sein de la filière d’or, mettant à jour l’exploitation de puits illégaux par des membres de l’organisation criminelle Los Topos. Pour assurer le transport du minerai, des membres de l’organisation avaient usurpé l’identité de mineurs légalisés. Or parmi ces « prête-noms » figuraient des personnes en relation avec Minera Veta Dorada, société appartenant au Canadien Dynacor spécialisée dans de traitement de minerai avec laquelle travaille la raffinerie helvétique PX Precinox. Résultat : les raffineurs suisses passaient une nouvelle fois pour des complices !

20 millions de mineurs

Ce type d’amalgame n’étant pas rare et comme la critique des ONG actives sur le terrain s’intensifie vis-à-vis des acteurs de la filière de l’or soupçonnés d’être trop peu soucieux de sa traçabilité, le raffineur suisse Metalor décidait l’an dernier de mettre un terme à toutes les importations d’or en provenance des mines artisanales d’Amérique latine. Levée de boucliers immédiate de la part des défenseurs du développement durable si bien que Metalor est revenu sur sa décision et travaille désormais avec une petite compagnie minière au Pérou et avec la Swiss Better Gold Association pour encourager les producteurs artisanaux. Des représentants de ces deux entités étaient d’ailleurs présents au récent Basel Gold Day organisé par le professeur Mark Pieth pour débattre, notamment, des questions entourant l’exploitation des mines d’or artisanales ou ASM (artisanal small-scale mining) dans le jargon. Une question d’importance, en sachant que ce secteur très informel de la filière d’or, qui emploie 20 millions de mineurs et fait vivre une population de 100 millions de personnes de par le monde, assure 20 % de l’extraction du métal jaune qui devrait totaliser cette année 3’368 tonnes, selon Metal Focus. Au cours actuel sur les marchés, les quelque 700 tonnes annuelles d’or en provenance des ASM représentent 43 milliards de dollars. De quoi aider les populations à se sortir de la pauvreté mais de quoi également attiser toutes les convoitises.

Impossible d’agir seul !
José Ramon Camino

« Il est tout à fait possible de travailler avec les mines artisanales, insistait Diana Culillas, Secrétaire générale de la Swiss Better Gold Association. C’est d’ailleurs ce que nous faisons en Amérique latine, car les problèmes que l’on évoque concernent finalement une petite partie d’entre elles. L’objectif est de leur garantir un accès aux marchés réglementés et une meilleure visibilité, tout en s’assurant à l’autre bout de la chaîne que leurs clients soient prêts à payer une prime garantissant un or durable. » « Impossible toutefois d’agir seul, renchérissait José Ramon Camino, conseiller général de Metalor. Il ne faut pas sous-estimer les efforts que font les raffineurs, mais les problèmes de traçabilité en ce qui concerne les mines artisanales sont suffisamment complexes pour que les différents acteurs doivent se mobiliser autour de ces questions. » « Et cela commence par les gouvernements dont la tâche est d’encadrer la filière par une réglementation appropriée qui donne confiance aux investisseurs et permette aux mines artisanales d’entrer en relation avec des partenaires financiers, poursuivait Edward Bickham, conseiller senior du World Gold Council. Quant à la société civile, il lui faut exiger davantage de transparence sur cette filière encore largement informelle. »

Effet boule de neige souhaité

Edward Bickham a-t-il été entendu ? En tout état de cause, la société sud-africaine Pearl Grey Equity Partners annonçait mi-octobre dernier la création d’un fonds d’investissement en capital risque centré sur les ASM avec comme objectif d’assurer aux mines artisanales sud-africaines un encadrement financier leur permettant de développer leurs affaires en parfaite conformité avec les règlements internationaux. C’est exactement ce que tente de faire PX Precinox, comme l’expliquait son directeur Philippe Chave sur le site Swissinfo à la suite de « l’affaire péruvienne ». Le minerai d’or traité au Pérou dans l’usine avec laquelle travaille le raffineur suisse provient de 400 à 600 mineurs qui doivent remplir un certain nombre de critères allant de l’enregistrement auprès du gouvernement à la possession d’un numéro d’identification fiscale, en passant par l’autorisation d’exploitation de leur mine. Libre à eux de traiter leur minerai selon les méthodes traditionnelles avec du mercure, en sachant toutefois que s’ils traitent avec Dynacor et PX Precinox, ils peuvent espérer récupérer deux fois plus d’or, traité cette fois selon des procédés chimiques dans une installation industrielle appropriée.

Ces mineurs ne sont pas des criminels.
Felix Hruschka

« Nous facturons à nos clients bijoutiers et horlogers un supplément pour des projets durables, expose Philippe Chave. Celui-ci est calculé en fonction des quantités achetées sur un an en veillant à ce que le montant soit acceptable pour le marché. L’entier de ces fonds est utilisé pour des projets durables. Cela crée un effet boule de neige. Plus nous investissons dans les communautés, plus les mineurs prennent conscience de l’intérêt d’entamer le processus de légalisation. Plus ils sont qualifiés pour vendre leur minerai, plus nous apportons d’or sur le marché et plus nous pouvons réinvestir dans la communauté. Telle est la dynamique que nous essayons de générer. » Et Felix Hruschka, de l’Alliance for Responsible Mining, de rappeler quelques vérités : « Ces mines artisanales sont situées dans des pays à bas salaires, peu réglementés, avec des administrations faibles, voire corrompues. Pour les mineurs, l’exploitation d’un filon d’or représente une opportunité de se sortir de la pauvreté. Alors si le secteur reste en effet largement informel, c’est parce que les investissements dans ces exploitations artisanales sont jugés risqués, sans parler des problèmes d’image et de réputation. Mais ne nous leurrons pas, ces mineurs ne sont pas des criminels. Tout ce qu’ils veulent, c’est gagner leur vie. En ce sens, ils méritent certainement toute l’aide qu’on peut leur apporter pour formaliser leurs activités et les intégrer pleinement dans les chaînes d’approvisionnement. »

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