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Montres audacieuses, les horlogers jouent la carte du risque
Modes & Tendances

Montres audacieuses, les horlogers jouent la carte du risque

mercredi, 6 décembre 2017
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Mathilde Binetruy
Journaliste indépendante

“Et pourtant, elle tourne.”

Galilée

Le premier événement auquel elle a assisté, c’était la Coupe du Monde de football en 1998. Depuis, c’est le SIHH et Baselworld qu’elle vit de l’intérieur. Là aussi, on y joue la montre.

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6 min de lecture

Le temps est au principe de précaution : études de marché, évaluation des environnements en mutation, calcul d’un prix psychologique, storytelling émotionnel… Plus aucune dimension du discours horloger n’y échappe. Il arrive néanmoins qu’une marque lance un modèle aventureux. Sortir de sa zone de confort, c’est comment ?

On est prêt à le parier. La Calatrava Pilot « trois aiguilles » de Patek Philippe, série limitée à 600 exemplaires réservée au marché américain, a sans doute été rapidement en rupture de stock. Et pourtant. Si chaque nouveauté présentée par la maison familiale genevoise devient une star du monde horloger, le pari était un peu plus osé que d’habitude pour cette référence qui sort des sentiers battus. À la fois par le biais d’un univers inhabituel, à savoir l’aéronautique, et par celui d’une matière peu utilisée par la marque, en l’occurrence l’acier, Patek Philippe a pris un risque en sortant ce modèle. Risque de bouleverser les habitudes de ses clients. Risque de communiquer sur un terrain plus glissant que de coutume. Risque de choquer ?

Alors que toute l’économie horlogère baigne dans un climat anxiogène depuis fin 2015, que la prudence exige de capitaliser davantage sur des valeurs sûres au lieu de sortir des sentiers battus, surprendre est aujourd’hui une manière comme une autre de réagir, d’attirer l’attention, une sorte de victoire sur le consensus, en deux mots un « oui mais ». Cet espace de liberté, que chacun peut interpréter à sa guise selon le prisme de sa propre image de marque, a au moins le mérite de déplacer avec audace le curseur sur la ligne de front.

Entre chic et chien

L’audace, c’est précisément ce qui définit le mieux la montre à secret Diamond Outrage d’Audemars Piguet. Caractère excentrique, design futuriste, la pièce est le troisième et dernier volet d’une trilogie de créations rock’n’roll. Petite sœur de la Diamond Punk lancée en 2015 et de la Diamond Fury sortie en 2016, la pièce fait exploser le genre de la Haute Joaillerie. Au poignet, cela donne 48 pics sertis de diamants, rangés en ordre de bataille comme sur un bracelet à clous en cuir. Ce sens de la provocation, ce désir de casser les codes, ce goût des digressions et de la poésie jamais doucereuse constituent l’ADN de cette pièce. Toutes choses qui n’empêchent pas l’excellence et la précision.

Diamond Outrage © Audemars Piguet
Diamond Outrage © Audemars Piguet

À l’inverse, on peut aussi renverser les règles en prônant une extrême simplicité. Ainsi, H. Moser & Cie qui, avec son Endeavour Centre Seconds Concept Funky Blue de 2015, offrait sous forme d’épure un parfait contre-pied à notre époque avide d’informations. Pas d’index ni de marque et encore moins de logo, rien qu’un cadran fumé illustrant brillamment la philosophie minimaliste du « less is more ». Paris réussi puisque le modèle sera suivi avec succès par une version avec petite seconde, une autre avec date, encore une avec un second fuseau horaire et enfin, cette année, une complication avec l’Endeavour Tourbillon Concept.

Si besoin est de jouer les gros durs, nous avons une Daytona, une Milgauss ou une Sea-Dweller en boutique.

Rolex, qui a grandi avec la performance en intraveineuse, a aussi pris une orientation plus classique en revisitant sa collection Cellini en 2014. Née en 1968, la ligne versait dans un pêle-mêle de pièces raffinées, rondes ou rectangulaires. Il lui manquait une âme. Depuis 2014, la marque a fait le ménage dans les références et lui a surtout inculqué l’art d’être tout sauf une montre de sport. Sous-entendre : « Si besoin est de jouer les gros durs, nous avons une Daytona, une Milgauss ou une Sea-Dweller en boutique. Élégants et esthètes, laissez-vous plutôt tenter par cette “trois aiguilles”, comme ce modèle 2017 avec phases de lune. » Le principal défi auquel la marque devait faire face était de conquérir de nouveaux clients tout en restant cohérente en termes d’image auprès de son public.

Se réinventer sans se renier

C’est probablement là que se situe le plus gros défi : demeurer fidèle à son nom et à ce qu’il véhicule tout en prenant un virage à 180°. C’est ce qu’a fait Louis Vuitton cette année en sortant sa première montre connectée. Le problème était de raccrocher le côté « inno-techno » à son histoire. Fermez les yeux, on vous murmure « Louis Vuitton » à l’oreille… À quoi pensez-vous ? Aux voyages, aux grandes épopées, à l’aventure. C’est donc en gardant à l’esprit l’idée du large que Louis Vuitton a imaginé cette création, en prolongement de la ligne Tambour déjà orientée vers l’évasion. À noter : les célèbres City Guide maison sont préintégrés dans les applications et proposent les endroits incontournables à découvrir, quel que soit le lieu où son porteur se situe dans le monde.

Tambour Horizon Monogram © Louis Vuitton
Tambour Horizon Monogram © Louis Vuitton

Enfin, en modifiant le principe fondamental d’oscillation d’un mouvement mécanique, Zenith est aussi parvenu à se redorer une image. Avec la Defy Lab, la marque renoue avec son histoire riche en prouesses techniques. Elle impose surtout une rupture dans ses collections en posant les bases d’un renouveau. Dans ce cas précis, la montre n’est plus un prétexte pour sortir du rang mais un socle sur lequel fonder une nouvelle communication. Cela requiert de la maîtrise, une technique consommée et une capacité à réinventer son histoire avec art. Rien de facile, mais le jeu en vaut la chandelle.

Conclusion : quels que soient son passé et son héritage, une marque a tout à gagner à sortir des cases dans lesquelles on la cantonne, à dévier d’un scénario mécanique dénué d’originalité. Ne serait-ce que pour apporter un élément de réponse à la question qui tue, comme disent les ados : quel risque avez-vous pris dans votre vie ?

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