C’est lors de la 70e édition de la Mostra de Venise, festival du film dont Jaeger-LeCoultre est partenaire depuis près de dix ans, que la marque a choisi de célébrer son 180e anniversaire. Théâtre des festivités ayant réuni en ce début septembre quelque 250 invités, dont Diane Kruger, égérie de ses collections féminines : La Fenice, haut lieu culturel de la Sérénissime chargée d’histoire, tout comme la Maison de la Vallée de Joux. À cette occasion, Daniel Riedo, entré chez Jaeger-LeCoultre il y a deux ans comme directeur industriel, faisait part des grandes orientations voulues pour la marque qu’il dirige désormais. Depuis juillet dernier, cet ancien de Rolex est en effet CEO de la Maison, en succession de Jérôme Lambert, passé à la tête de Montblanc, propriété du groupe Richemont tout comme Jaeger-LeCoultre, qui emploie plus de 1’300 collaborateurs et à qui l’on prête un chiffre d’affaires de l’ordre de CHF 600 millions.
Production de mouvements compliqués insuffisante
Interrogé par Le Figaro sur ce qui lui inspirait ce 180e anniversaire, Daniel Riedo n’a pas mâché ses mots : « De la fierté ! L’ancrage historique de Jaeger-LeCoultre, son patrimoine, sa créativité, sa capacité à toujours innover, son autonomie industrielle et la solidarité des équipes nous différencient des autres. En 180 ans, l’entreprise a déposé 400 brevets et développé plus de 1’242 mouvements. Tous les ans, nous brevetons une vingtaine d’innovations techniques et lançons une demi-douzaine de mécanismes horlogers. Certains, comme le Duomètre, ont nécessité des investissements pouvant atteindre 4 millions d’euros. Notre manufacture du Sentier (Suisse) possède 70 calibres différents en production, ce qui est énorme au regard de nos volumes de production. » Des volumes de production sur lesquels le nouveau CEO s’est toutefois montré évasif pour les situer au-delà des 50’000 mais en dessous des 100’000 pièces par an.
Qu’à cela ne tienne. En ce qui concerne le positionnement stratégique de Jaeger-LeCoultre, Daniel Riedo se montre nettement plus clair : « Nous voulons être une référence dans le domaine de la Haute Horlogerie, poursuivait-il dans le même journal français. Aujourd’hui, nous ne fabriquons pas assez de mouvements compliqués alors que nous possédons une réelle légitimité dans ce secteur. En outre, les marchés, surtout asiatiques, sont très demandeurs de ce type de garde-temps. Nous avons des difficultés à les livrer. À terme, il faudrait que 50 % de nos horlogers puissent travailler sur des mécanismes à grande complication. Cela demande un programme de formation conséquent. »
Auparavant, nous manquions de cette visibilité, qui est aujourd’hui notre levier de croissance.
Une spirale vertueuse
En d’autres termes, Jaeger-LeCoultre, une manufacture qui dispose d’une très large autonomie, ne souffre d’aucune difficulté dans ses sources d’approvisionnement mais se voit davantage confrontée à des problématiques liées à la croissance et aux capacités de production afin de répondre à la demande, comme le confiait encore Daniel Riedo au magazine helvétique Bilan juste avant la Mostra. Une croissance que la Maison veut clairement alimenter avec des montres compliquées, conformément à son axe stratégique, en parallèle au renforcement des métiers d’art. « Nous avons atteint une taille qui est juste à la charnière de ce que nous appelons à l’interne la “nouvelle dimension”, celle qui nous permet d’avoir une présence beaucoup plus forte sur les marchés, expliquait-il dans une longue entrevue. Nous avons développé notre réseau de boutiques exclusives depuis cinq ans avec une grosse accélération ces cinq dernières années. Cela nous a donné beaucoup plus de visibilité. Auparavant, nous manquions de cette visibilité, qui est aujourd’hui notre levier de croissance ; c’était sans doute notre faiblesse. Mais nous avons désormais clairement passé un cap et nous devons poursuivre dans cette dynamique. »
Autre option retenue par Daniel Riedo : la lisibilité de la marque. « Nous avons une telle créativité que nous avons peut-être rendu nos lignes de produits difficiles à comprendre, disait-il. Nous nous attachons donc à rendre nos collections plus aisées à appréhender pour le marché et pour nos clients. De plus, nous devons mieux communiquer les codes esthétiques et fonctionnels de chaque ligne. Nous devons être plus clairs. » Pour accomplir sa tâche, Daniel Riedo peut toutefois se reposer sur une base des plus solides, car Jaeger-LeCoultre va très bien : « La meilleure preuve que l’on peut donner de la dynamique de la marque est la visibilité que l’on apporte sur les marchés, concluait-il. Cela veut dire que l’on dégage suffisamment de cash pour pouvoir investir sur la communication, la publicité, le développement de boutiques et la formation interne. Si nous étions en régression, nous n’aurions évidemment pas ces moyens-là. Nous sommes clairement dans une spirale vertueuse. »