Philippe Dufour a pris ses aises sur le stand de Greubel Forsey lors du Salon international de la Haute Horlogerie 2013. Rien de fortuit à cela, c’est avec Robert Greubel et Stephen Forsey qu’il a initié l’an dernier le projet « Naissance d’une montre », visant à « sauvegarder, perpétuer et transmettre l’excellence du savoir-faire horloger pour les générations futures ». Concrètement, devant la perte du fameux « tour de main » indispensable à la mesure du temps de tradition, les trois hommes ont décidé de transmettre leurs expériences à un jeune horloger chargé de réaliser une mini-série de garde-temps à l’ancienne. En l’occurrence une montre-bracelet tourbillon, trois aiguilles à remontage manuel. Seule incartade permise, l’utilisation de logiciels pour la réalisation des plans techniques. Pour le reste, tout est produit sur des machines qu’utilisaient les précédentes générations d’horlogers et qui sont par ailleurs très familières à Philippe Dufour.
En compagnie du candidat retenu pour l’aventure, Michel Boulanger, horloger rhabilleur diplômé et enseignant à l’École d’horlogerie de Paris, activité qu’il reprendra lorsque le projet sera à son terme, il se livre à une démonstration de polissage de pignons, précisément sur une machine des années 1920 déménagée pour l’occasion. Polissage effectué par une meule en bois et qui doit impérativement être terminé en 12 secondes pour éviter toute déformation du composant. On l’aura compris, après plusieurs mois de développement, la « Naissance d’une montre » est entrée dans une phase plus concrète de fabrication d’éléments, de tests et de validations techniques. Objectif : une première montre terminée en 2014.
Une montre dont le prix double dès son acquisition
Mais si Philippe Dufour s’enthousiasme pour ce projet ambitieux, qui doit également permettre de répertorier et enregistrer ces savoirs horlogers sur des supports numériques interactifs, sa bonne humeur a également une autre origine. Après 12 ans de travail, il vient de terminer et de livrer la 200e Simplicity, série mythique pour sa perfection et son niveau de finition exceptionnel de ce maître horloger qui s’était fait connaître en 1992 avec sa Grande Sonnerie, reine des complications réalisée pour la première fois en montre-bracelet, puis, dès 1996, avec son Double Régulateur.
« C’est vrai, je suis content d’avoir terminé la Simplicity, explique Philippe Dufour. Mais je ne me suis pas rendu compte du temps que cela m’a pris tant j’ai eu du plaisir à réaliser chacune de ces pièces, qui se sont même améliorées au fil des ans. De plus, je suis assez fier de dire que, contrairement aux voitures qui se déprécient dès les premiers kilomètres parcourus, mes Simplicity valent deux fois plus cher le lendemain même de leur acquisition. Mes prix n’ont toutefois pas varié depuis le début. Je n’ai même pas répercuté la hausse de l’or, question de correction vis-à-vis de mes clients. Or, certains ont dû s’en séparer et m’ont fait part de la cote de mes montres. Je reçois d’ailleurs encore chaque semaine au moins une commande pour une Simplicity. Mais la page est tournée. »
Nouveaux projets
À quoi s’affaire donc Philippe Dufour aujourd’hui ? « Je suis en train d’honorer une commande pour une Grande Sonnerie, qui sera donc la septième du genre et que je vais livrer cette année. Ensuite, je nourris un projet sur lequel je communiquerai en temps voulu. Tout ce que je peux dire, c’est qu’il s’agira d’une série qui n’aura d’autre limitation que mes capacités de production dans la mesure où je me retrouve à nouveau seul dans mon atelier. » Pour Philippe Dufour, le bilan de sa vie professionnelle tient à l’aura de ses produits à travers le monde qui célèbre probablement l’un des horlogers les plus talentueux du moment avec un bémol à la clé : « Je n’ai effectivement pas réussi à monter une équipe autour de moi », conclut-il. Qu’à cela ne tienne ! Philippe Dufour est un homme sur qui « capitaliser ».