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jeudi, 31 mars 2016
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Christophe Roulet
Rédacteur en chef, HH Journal

“Vouloir est la clé du savoir.”

« Une trentaine d’années passées dans les travées du journalisme, voilà un puissant stimulant pour en découvrir toujours davantage. »

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9 min de lecture

Après la certification Master Chronometer initiée par Omega en 2015, c’est au tour de Rolex d’officialiser son Chronomètre Superlatif, label qui porte désormais sur l’ensemble de sa production. Cette course à la précision coïncide avec la généralisation du silicium. Une évolution séduisante mais dangereuse selon les puristes.

L’univers horloger, quoi qu’on ait pu en penser durant les années d’euphorie, est loin de fonctionner en vase clos, parfaitement insensible aux aléas conjoncturels. Certes, cette « industrie » du luxe observe des codes de caste au sein d’une petite communauté toujours prompte à s’extasier devant des merveilles pour lesquelles on n’ose plus parler de valeur marchande, il n’en va toutefois pas de même pour l’ensemble de la profession, tant s’en faut. Depuis bientôt un an, les exportations sont à la peine et les complications horlogères, énorme facteur de renchérissement des pièces, se font plus rares. Dans ces circonstances, marquées par un retour en force des modèles d’entrée de gamme généralement en acier, il devient nettement plus difficile de se distinguer, surtout avec des mouvements à deux ou trois aiguilles.

Chopard L.U.C XPS 1860
Chopard L.U.C XPS 1860

La prolifération des calibres extra-plats est assurément à comprendre comme un début de réponse, surtout si l’on écoute le discours de marques qui veulent en faire l’expression d’une complication horlogère à part entière. Baselworld 2016 n’a ainsi pas été avare de montres soumises au régime minceur, à commencer par les modèles de la ligne Octo Finissimo de Bulgari équipés notamment du calibre Solotempo BVL 193 (hauteur de 3,70 mm) ; la L.U.C XPS 1860 de Chopard (calibre L.U.C 96.03-L, hauteur : 3,30 mm) et la Classique 7147 de Breguet (calibre 502.3SD, hauteur : 2,40 mm) jouent dans la même ligue ; sans oublier l’Elite 6150 de Zenith (calibre Elite 6150, hauteur : 3,92 mm) ou encore la Slim d’Hermès (calibre H1950, hauteur : 2,60 mm), qui affiche une taille de guêpe.

Slim d'Hermes 39 manufacture
Slim d'Hermes 39 manufacture
Saint silicium

Au-delà de ces symboles de l’élégance horlogère, une autre thématique a pris corps au sein des Maisons. Thématique inscrite en lettres d’or qui a pour nom « précision » et qui est en train de se transformer en un véritable champ de bataille. Car qui dit « précision » implique nécessairement la robustesse indispensable au fonctionnement régulier du mécanisme quel que soit l’environnement, et donc la fiabilité. Dans le but de grappiller quelques infimes parcelles de temps dans les écarts de marche, synonyme d’arguments commerciaux de poids, les Maisons se sont ainsi lancées dans une véritable « course contre la montre ». Rien de bien nouveau sous le soleil, pourrait-on croire tant la précision des garde-temps est une question récurrente, si ce n’est lancinante, dans le microcosme horloger. Mais si le réglage d’une montre mécanique avec une précision diabolique est du domaine du possible lorsque l’on parle de petites séries, question de temps et d’habileté du régleur, il en va tout autrement lorsque l’on parle d’une production industrielle en centaines de milliers de pièces. Un segment essentiel à préserver si l’on ne veut pas que l’horlogerie suisse se transforme en une réserve d’Indiens.

Depuis quelques années, le COSC ne suffit plus, notamment parce que seule la tête de montre est testée.

Inutile de dire que les Maisons helvétiques n’ont pas ménagé leurs efforts dans ce domaine avec des résultats patents. Compte tenu de la norme en la matière, établie par le Contrôle suisse des chronomètres (COSC), soit un écart de marche journalier compris entre – 4 et + 6 secondes, ce sont près de 2 millions de montres qui obtiennent cette certification tous les ans. Une certification qui représente indéniablement une valeur ajoutée au produit compte tenu des lacunes du Swiss made. Seulement, depuis quelques années, le COSC ne suffit plus, notamment parce que seule la tête de montre est testée et non le mouvement emboîté. De la même manière que les analystes financiers suent sang et eau pour faire mieux que les indices de référence, les Maisons s’ingénient aujourd’hui à « battre » le COSC. Si elles peuvent prétendre pareil exploit, cela tient beaucoup à l’émergence de nouveaux matériaux non ferreux, autolubrifiants, que l’on produit par formage et non plus par usinage. Parmi eux, un saint Graal : le silicium, particulièrement adapté aux systèmes d’échappement (ancres et roues d’ancre) ensuite étendu au spiral, pour lequel Ulysse Nardin a fait œuvre de pionnier dès le début des années 2000.

Omega Globemaster Calendrier Annuel
Omega Globemaster Calendrier Annuel
La guerre des secondes

Avec ce nouvel arsenal en poche, les Maisons sont donc parties à la conquête de nouveaux records, d’autant plus impressionnants que les spécifications du COSC remontent à 1973. En lice : les trois marques qui certifient les plus gros volumes auprès du Contrôle suisse. C’est Omega qui a ouvert les feux l’an dernier en présentant à Baselworld la Globemaster, première montre équipée d’un mouvement co-axial Master Chronometer, nouvelle certification homologuée par l’Institut fédéral de métrologie METAS. Celle-ci stipule que les montres labellisées résistent notamment à des champs magnétiques de 15 000 gauss. Avec sa batterie de huit tests, cette nouvelle certification parmi les plus exigeantes de la profession, ouverte à tous comme Omega s’empresse à le préciser, impose également que l’écart de marche toléré soit compris entre 0 et + 5 secondes. Au salon bâlois de cette année, Omega est ainsi venu avec six nouveaux calibres tous certifiés Master Chronometer. D’ici 2020, la quasi-totalité des garde-temps de la marque devrait l’être.

Rolex Lady-Datejust 28 Rolesor jaune
Rolex Lady-Datejust 28 Rolesor jaune

Après une telle entrée en matière, Rolex ne pouvait rester coi. D’autant plus qu’après une dizaine d’années de recherche et développement la Maison s’est également mise au silicium en 2014 avec des spiraux Syloxi, intégrés jusqu’ici dans quelques mouvements venant équiper ses modèles féminins, comme le calibre 2236 de la Lady-Datejust 28 présentée cette année. Ceux-ci viennent ainsi compléter ses spiraux en Parachrom, un alliage paramagnétique particulièrement résistant breveté en 2005 et de couleur bleue, qui fonctionne à l’entière satisfaction de la Maison. C’est avec cette assurance propre à une Maison qui passe pour « la » référence horlogère que Rolex annonçait ainsi au salon bâlois avoir étendu sa certification Chronomètre Superlatif dévoilée en 2015 à l’ensemble de sa production. « Cette certification porte sur la montre dans son ensemble, une fois le mouvement emboîté, afin de garantir des performances superlatives au poignet en termes de précision, d’étanchéité, de remontage automatique et d’autonomie. La précision en montre d’un Chronomètre Superlatif est ainsi de l’ordre de – 2/+ 2 secondes par jour, soit plus de deux fois celle d’un Chronomètre officiel. »

Breitling Superocean Héritage Chronoworks

La messe est-elle dite ? Pas si sûr. Comme l’expliquait Jean-Paul Girardin, vice-président de Breitling, la Maison a mis sur pied il y a deux ans un département de recherche et développement baptisé Chronoworks qui a pour but de « rechercher des solutions novatrices qui permettront d’accroître les performances des mouvements et de tester des concepts d’avant-garde pouvant être introduits dans la production courante ». L’équipe de Chronoworks s’est ainsi penchée sur le calibre manufacture 01 dans le but d’accroître le rendement de ce chronographe automatique. En conséquence, le mouvement se voit doté d’une platine et de ponts de rouage en céramique, de roues et d’un échappement en silicium, d’un balancier à inertie variable et de dentures élastiques. Résultat : 45 % de rendement supplémentaire pour une réserve de marche qui passe de 70 à 100 heures sur la Breitling Superocean Héritage Chronoworks. Quant aux écarts de marche, « ils sont compris entre 0 et + 6 secondes sur nos mouvements manufacture, car nous ne voulons surtout pas que nos montres retardent », expose Jean-Paul Girardin. Un autre sujet d’amélioration pour Chronoworks ?

Seiko Presage Automatic
Seiko Presage Automatic

Chez Seiko, qui lance cette année une nouvelle collection de montres automatiques avec la ligne Presage, l’écart de marche toléré, notamment au sein de la gamme Gand Seiko, est de – 3 à + 5 secondes. Un point d’honneur pour la Maison nipponne, qui propose des garde-temps dont la précision est supérieure à celle exigée par le COSC. D’autant plus que le silicium est totalement banni de ses calibres mécaniques. Même si Seiko est à la pointe de la technologie, notamment avec ses mouvements Spring Drive, Solar ou Kinetic, pas question de mélanger les genres en ce qui concerne ses calibres mécaniques dont la première version pour montre-bracelet date de 1913 avec la Laureato.

Un garde-temps est le fait d’horlogers et pas seulement de machines.
Jean-Marc Wiederrecht, fondateur d’Agenhor

Paradoxalement, c’est une marque japonaise qui exclut explicitement des composants en silicium alors que, selon les estimations, plus de 70 % de la production suisse en est dotée. Une aberration pour Jean-Marc Wiederrecht, fondateur d’Agenhor, qui développe actuellement des mouvements pour Fabergé : « Comment allons-nous bien pouvoir justifier l’excellence de l’horlogerie suisse si nous utilisons pour les composants stratégiques d’une montre des éléments que les Chinois peuvent produire aussi bien que nous et qui excluent toute intervention humaine ? Un garde-temps est le fait d’horlogers et pas seulement de machines. Mais on est en train de l’oublier, et c’est très dangereux. » Un danger qui se calcule en secondes ?

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