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Quand le dragon chinois s’enrhume, l’horloger suisse tousse
Economie

Quand le dragon chinois s’enrhume, l’horloger suisse tousse

mardi, 12 janvier 2016
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Christophe Roulet
Rédacteur en chef, HH Journal

“Vouloir est la clé du savoir.”

« Une trentaine d’années passées dans les travées du journalisme, voilà un puissant stimulant pour en découvrir toujours davantage. »

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6 min de lecture

Après cinq ans de croissance, l’horlogerie suisse marque le pas. Sur l’ensemble de l’année 2015, le recul des exportations devrait être de l’ordre de 4 %. En termes économiques, cela se traduit par des licenciements et une accumulation des stocks.

Généralement, à pareille date de l’année, les bons vœux fusent de tous bords et la gent horlogère trépigne à la veille du Salon International de la Haute Horlogerie, qui se tient désormais tous les mois de janvier à Genève comme une extension des fêtes de la Saint-Sylvestre. Las, en ce début 2016, le sentiment est nettement plus mitigé, comme si l’ombre du père Fouettard occultait sinistrement la silhouette de Saint-Nicolas . Transposée en statistiques plus pragmatiques, cette imagerie de Noël se traduit par un recul des exportations de montres-bracelets suisses de 3,8 % sur les onze premiers mois 2015. En extrapolant ces résultats sur l’ensemble de l’exercice et compte tenu du fait que la situation n’a cessé de se détériorer au fil des trimestres, l’année 2015 devrait se solder par une baisse de l’ordre de 4 à 5 %. Il faut remonter à 2009 pour observer le dernier revers de la branche. Mais là, le réveil au lendemain de la crise mondiale des subprimes avait été plutôt brutal, soit une chute de 22,3 % des exportations horlogères suisses.

Avec quatre de leurs cinq principaux marchés en recul, les horlogers ont toutes les raisons d’observer la situation avec circonspection.
« L’autre mauvaise nouvelle »

Rien de tel aujourd’hui. Avec quatre de leurs cinq principaux marchés en recul (voir tableau), les horlogers ont néanmoins toutes les raisons d’observer la situation avec circonspection. Il y a un an pratiquement jour pour jour, c’est l’abandon du taux plancher de la monnaie helvétique défendu jusque-là par la Banque nationale suisse pour favoriser les échanges commerciaux avec l’Union européenne qui sonnait le glas de la croissance horlogère. Ce coup de Jarnac porté aux exportateurs du pays n’a certes pas facilité leur tâche avec, en perspective, une érosion des marges due au renforcement de la devise nationale. D’autres vents contraires allaient toutefois rapidement se manifester, potentiellement plus dommageables. Comme l’exposait récemment dans Le Temps Karl-Friedrich Scheufele, coprésident de Chopard : « L’autre mauvaise nouvelle, c’est Hong Kong, bien sûr. Même si cette ville restera un hub important pour l’horlogerie, Pékin et Shanghai vont gagner en importance. Hong Kong va perdre la suprématie acquise durant la dernière décennie. »

Là également, les chiffres parlent d’eux-mêmes. Si l’on prend uniquement les pièces horlogères d’une valeur supérieure à CHF 1 500.- (prix Ex. usine  à multiplier par ± 3 pour le prix de détail), la chute des exportations atteint 25 % entre janvier et novembre 2015 à Hong Kong et 10 % en Chine continentale. Au printemps dernier, les détaillants de la Région administrative spéciale s’étaient déjà unis pour tirer la sonnette d’alarme. Dans un courrier adressé aux horlogers suisses, ils dénonçaient une « crise profonde » marquée par un effondrement des ventes de l’ordre de 40 % au premier trimestre 2015 et une accumulation des stocks à « un niveau incalculablement élevé de 6 à 10 mois pour certaines marques ». Et de pousser l’estocade en demandant aux Maisons helvétiques de mettre de l’ordre dans leur politique de prix et de leur accorder des rabais. Force est de constater que, depuis cet avis de tempête, la situation ne s’est guère améliorée. Et pour cause, le Céleste Empire, en plein ralentissement, connaît des soubresauts dont les répercussions se font sentir jusque dans les contrées suisses. En d’autres termes, si l’industrie horlogère a connu une telle envolée ces dernières années, c’est essentiellement grâce aux rugissements du dragon chinois. Maintenant qu’ils se font plus poussifs, c’est toute la branche qui manque de souffle.

Les annonces de licenciements se sont faites plus pressantes ces derniers mois.
Le règne des équilibres instables

Inutile de gloser longtemps sur les conséquences de cette évolution. Les annonces de licenciements se sont faites plus pressantes ces derniers mois, tant auprès des grandes Maisons que des sous-traitants, généralement les premiers à souffrir de la baisse des commandes vu la verticalisation entreprise par les marques ces dernières années. Dans ce contexte, les prochains mois s’annoncent difficiles. Une période durant laquelle il faut s’attendre à un large phénomène de déstockage, autre facteur pénalisant. Quant à la Chine, la dévaluation accélérée du yuan aux premiers jours de janvier n’est pas de bon augure. Les Bourses de Shanghai et de Shenzhen ne s’y sont pas trompées, amorçant un plongeon de début d’année. C’est donc avec une croissance en berne que les autorités chinoises vont devoir composer alors que les États-Unis viennent de procéder à un premier resserrement monétaire qui, lui, marque la fin des torrents de liquidités qui ont jusqu’ici inondé les marchés pour éviter une Grande Dépression bis.

Si l’euphorie est passée, ce ne sont pas non plus les paysages de l’enfer qui se dessinent.

En un mot, si l’euphorie est passée, ce ne sont pas non plus les paysages de l’enfer qui se dessinent. « Mais si les baisses à Hong Kong sont incontestables, il faut les interpréter pour ce qu’elles sont. À savoir pour l’essentiel un report des achats de cette même clientèle chinoise ailleurs dans le monde », explique Juan Carlos Torres, CEO de Vacheron Constantin. « L’Asie et Hong Kong restent des marchés phénoménaux pour l’horlogerie et la joaillerie, tempère de son côté Nicolas Bos, patron de Van Cleef & Arpels. Après les années extraordinaires d’ouverture de la Chine et les fabuleuses croissances enregistrées, nous sommes entrés dans une période de maturité, de stabilité et de croissance plus modérée à terme. » De fait, chez Chopard, si l’horlogerie a stagné en 2015, « à l’inverse, les ventes de bijoux sont en progression, note Karl Friedrich Scheufele. Ce marché croît et Chopard n’est pas seul à en profiter ». Pour l’ensemble de la profession, la Fédération de l’industrie horlogère suisse garde ainsi ses prévisions de « relative stabilité » pour ce début 2016 en ce qui concerne les exportations horlogères, selon les termes de son Président Jean-Daniel Pasche. Compte tenu du contexte économique qui voit s’imposer le règne des équilibres instables, c’est déjà un résultat.

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