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Questions de bons sens
Economie

Questions de bons sens

jeudi, 9 novembre 2017
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Christophe Roulet
Rédacteur en chef, HH Journal

“Vouloir est la clé du savoir.”

« Une trentaine d’années passées dans les travées du journalisme, voilà un puissant stimulant pour en découvrir toujours davantage. »

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9 min de lecture

Donner du sens à nos démocraties, à nos vies, à l’argent, aux bouleversements en cours… Le dernier FHH Forum s’est plu à aborder ces thèmes d’un point de vue tant politique et économique que philosophique. Avec un seul fil rouge : ces valeurs héritées du passé, considérées comme le meilleur antidote à la barbarie.

Interview Arturo Bris

Depuis ses débuts, le FHH Forum, dont la 9e édition s’est tenue début novembre à Lausanne, a pris le parti de faire réfléchir aux grandes questions de ce monde, aux grands enjeux de la planète. Rien de bien « chronophile », pourrait-on dire, pour une manifestation organisée par la Fondation de la Haute Horlogerie. Qu’à cela ne tienne, les Maisons de la branche ne vivent-elles pas la mondialisation au quotidien et n’ont-elles pas pour devoir de redéfinir sans cesse le concept même du luxe dans un environnement où il n’est plus question que d’intelligence artificielle, de robotisation, de numérisation, d’ubérisation… ? Comme l’expliquait Arturo Bris, spécialiste en compétitivité mondiale et professeur à l’International Institute for Management Development (IMD), qui accueillait la manifestation, « si l’on observe l’évolution de la croissance mondiale sur les deux derniers millénaires, on constate une accélération phénoménale depuis une cinquantaine d’années, due essentiellement aux progrès technologiques. Fort de ce constat, il ne fait pas de doute que pour les années à venir ce sera toujours la technologie qui sera le principal moteur de développement. Mais avec un défi d’importance, c’est qu’elle profite au plus grand nombre. »

Interview Bill Emmott

Toute humanité est bonne à prendre

Impossible en effet de gommer le fossé des inégalités qui se creuse partout sur la planète et qui n’est pas sans remettre en question les principes mêmes de nos systèmes politiques. « Faut-il s’attendre à une forme de rébellion chez tous ceux qui s’estiment lésés par manque d’équité au cœur même de nos sociétés ? s’interrogeait Bill Emmott, auteur et ancien rédacteur en chef de The Economist. Je me souviens, il y a une quarantaine d’années, en plein choc pétrolier et avec la guerre du Vietnam en toile de fond, le chancelier allemand Willy Brandt avait prédit la fin de nos démocratiques. Si l’on sait aujourd’hui qu’il a eu tort, il convient néanmoins de se poser une nouvelle fois la question. Et de reconnaître que l’on a effectivement du pain sur la planche. En optimiste que je suis, je reste toutefois d’avis que l’on a les meilleures démocratiques que l’on peut se payer ! »

Interview Karin Jestin

Question monétisation et pour rebondir sur la question du partage des richesses, Karin Jestin, conseillère en philanthropie, dévoilait les bienfaits du mécénat sur un plan personnel. « J’ai une bonne nouvelle, disait-elle en préambule. L’argent peut faire le bonheur, dans certaines conditions et quand on le donne ! Tous les sondages le démontrent. Les gens qui font acte de philanthropie, de mécénat ou de bénévolat en retirent une intense satisfaction, qui, si elle devait être quantifiée, correspondrait à deux fois leurs revenus. En d’autres termes, donner rend heureux, d’autant plus heureux qu’on le fait souvent. Les valeurs altruistes l’emportent sur l’égoïsme. »

Il nous incombe de faire beau, de créer de la beauté.
Tim Leberecht

Interview Tim Leberecht

Un tel état d’esprit est-il transposable dans le monde du travail, où l’on sait que la philanthropie est souvent un faire-valoir ? Au-delà de cette question d’image, c’est du travail lui-même qu’il est aujourd’hui souvent question, en sachant que toute activité professionnelle engendre de l’insatisfaction aussi bien quand on en est privé, vu son rôle d’intégrateur social, et que lorsque l’on en dispose, pour l’aliénation qu’elle engendre trop souvent. C’est précisément ce second aspect que considérait Tim Leberecht, qui se qualifie de « business romantic ». Pourquoi en effet vouloir lutter contre la machine, alors que l’humain est si difficilement gérable professionnellement et que bientôt 50 % des emplois seront remplis à satisfaction par des robots plus efficaces et moins chers ? « Inutile de vouloir faire mieux, expliquait Tim Leberecht. Il nous incombe de faire beau, de créer de la beauté. » Et qui dit « beauté » sous-entend « humanité ». Pour lutter contre la quantification à outrance et l’obsession du « tout-mesurable », laissons parler ce qui s’oppose à la pure rationalité du monde des entreprises. Faire ce qui n’est pas nécessaire, créer de l’intimité, laisser sa laideur s’exprimer comme gage d’authenticité, ne pas craindre les situations inconfortables sont autant de principes de base du romantisme entrepreneurial, celui-là même qui créera la beauté qui peut sauver le monde, comme le disait Dostoïevski.

Interview André Comte-Sponville

Messages d’espoir

Ce retour aux valeurs humanistes est également un thème cher au philosophe André Comte-Sponville, pour qui ce n’est pas tant le changement qui importe de nos jours, étant donné que le changement est inéluctable, comme le relevait déjà Héraclite, mais bien plutôt la vitesse avec laquelle il évolue. « Le changement n’est pas une fin en soi, rappelait-il. Si l’on change, c’est pour progresser, pour durer. Le changement est donc au service de la durée. Mais il faut également savoir que toute évolution tend spontanément vers le désordre maximal. C’est là qu’interviennent les valeurs que nous avons reçues et qu’il nous incombe de transmettre, dans le but, comme le disait Pindare, de devenir ce que nous sommes. C’est avec un tel bagage que l’on peut en effet se demander non pas où aller mais où on veut aller. Or la seule façon de savoir où l’on veut aller, c’est de savoir d’où l’on vient. Au final, la fidélité à nos valeurs est le seul antidote que nous avons à disposition contre la maladie d’Alzheimer de nos civilisations qu’est la barbarie. Le XXIe siècle sera fidèle ou ne sera pas ! »

Interview Claude Barras

En guise de musique d’avenir, pourquoi ne pas donner la parole aux enfants, comme l’a fait Claude Barras, réalisateur de Ma vie de courgette, film d’animation deux fois « césarisé ». Le film, qui raconte l’histoire d’un petit garçon de 9 ans envoyé dans un foyer, met en scène l’apprentissage de la vie dans un univers aussi dur qu’émouvant. « Même s’il s’agit d’une histoire et non d’un documentaire, même si l’on m’a parfois reproché d’être en dessous de la dure réalité de la vie en foyer d’accueil, j’ai voulu montrer que les enfants font preuve d’une résilience incroyable et que la force de la vie et de l’amitié peut l’emporter sur la noirceur du monde. C’est en quelque sorte un message d’espoir. »

Interview Patrick Chappatte

Espoir également du côté de Patrick Chappatte, dessinateur de presse pour Le Temps, NZZ am Sonntag et The New York Times. Non pas tellement pour cette vérité qui sort de la bouche des enfants mais plutôt pour le sens qu’il entend donner aux grands chambardements en cours dans nos sociétés. « S’il ne devait rester qu’une signification, qu’un seul sens à notre monde, résumait-il, cela devrait être le sens de l’humour ! » Sans oublier, comme le rappelait judicieusement Pierre Desproges, que l’on peut rire de tout mais malheureusement pas avec tout le monde. La mondialisation aussi a ses limites…

Interview Frédéric Kaplan

La machine du temps

Si la numérisation est largement considérée comme une dangereuse menace pour le monde du travail traditionnel, elle n’en représente pas moins une opportunité unique pour d’autres. Frédéric Kaplan fait assurément partie de ceux-là, tant cette technologie est sa meilleure alliée pour la réalisation de son grand œuvre. Détenteur de la chaire Digital Humanities à l’École polytechnique fédérale de Lausanne, où il dirige le Digital Humanities Lab, Frédéric Kaplan mène des projets combinant numérisation d’archives, modélisation et conception muséographique. Dans ce cadre, avec son équipe, il travaille notamment sur la Venice Time Machine, un projet conjoint avec l’université Ca’ Foscari ayant pour objectif de modéliser l’évolution et l’histoire de Venise sur une période de 1 000 ans !

Au FHH Forum, Frédéric Kaplan est ainsi venu parler de cette magnifique aventure démarrée il y a cinq ans, qui mobilise aujourd’hui une cinquantaine de personnes et qui intéresse déjà d’autres villes au rang desquelles Jérusalem, Amsterdam, Bruxelles et Paris. « Quand on parle de Venise, on est confronté à 80 kilomètres d’archives qui recouvrent une dizaine de siècles et se présentent sous toutes les formes possibles : plans, cartes, lettres d’ambassadeurs, relevés cadastraux, état civil…, exposait le chercheur. Le défi consiste donc à transformer ce matériau de base en un système informationnel. » Par étapes successives, il s’agit donc de numériser l’ensemble de ces documents – certains scanners ont dû être spécifiquement développés – et de les indexer pour ensuite développer les algorithmes permettant de les lire afin de connecter les documents les uns aux autres. Au terme du processus, une ville naît sous les yeux ébahis du spectateur : une ville habitée, transformée, vivante. Autant dire un travail titanesque et exemplaire, démontrant à l’envi la profondeur insondable du champ des nouvelles technologies.

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