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Réchauffement climatique et contrefaçon, même combat (II)
Culture

Réchauffement climatique et contrefaçon, même combat (II)

vendredi, 19 juin 2009
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Christophe Roulet
Rédacteur en chef, HH Journal

“Vouloir est la clé du savoir.”

« Une trentaine d’années passées dans les travées du journalisme, voilà un puissant stimulant pour en découvrir toujours davantage. »

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6 min de lecture

Si le réchauffement climatique représente une menace mondiale dont les effets sont déjà perceptibles, l’univers de la contrefaçon représente également une crise aux incidences internationales. Tour d’horizon des mesures à prendre avec Marc Frisanco, expert du Groupe Richemont.

Lors d’une récente présentation à Hong Kong, vous parliez d’une relative impuissance face au fléau de la contrefaçon. Que préconisez-vous ?

Marc Frisanco: quand une société concernée au premier chef par le fléau de la contrefaçon décide d’agir, elle doit se battre jusqu’au bout, notamment en remontant les flux financiers nés de ces activités. Il y a quelques années par exemple, les autorités américaines ont ainsi pu saisir à Manhattan des actifs bancaires de USD 1,5 million auprès d’une société dont la documentation démontrait un chiffre d’affaires de USD 52 millions réalisé sur deux ans grâce à la vente de fausses montres. Au prix de détail, il s’agit là d’un montant énorme qui démontre l’ampleur et la vivacité du phénomène dans un pays pourtant doté de lois adéquates. On se rend ainsi vite compte que ce « petit » business cache des chiffres d’affaires monstrueux. D’où la nécessité d’agir avec ampleur pour obtenir un réel impact psychologique. Quoique l’on fasse dans ce domaine, il faut donc le faire en grand et exiger des indemnités importantes.

S’agit-il des seules mesures à disposition ?

Non certainement pas. Vu les problèmes posés par la contrefaçon au niveau international, nous devons également trouver des solutions alternatives. Ce que j’appelle « thinking out of the box ». Prenons l’exemple du Silk Market, un immense centre commercial à Pékin considéré comme le temple de la contrefaçon avec ses quatre étages où l’on ne vend que du faux. Nombre de revendeurs de ce centre ont été attaqués en justice par des marques comme Louis Vuitton, Chanel, Prada ou Bulgari, sans succès. De plus, les journaux locaux ont largement relayé les tentatives de fermeture de l’une ou l’autre boutique, qui se sont souvent terminées en émeutes avec, à la clé, des slogans comme « nous voulons pouvoir manger ». De tels développements sont contreproductifs pour les marques.

C’est pourquoi nous avons pensé qu’il serait plus judicieux de discuter avec les propriétaires du centre lui-même dans le but d’arriver à un accord transactionnel plutôt que d’intenter une nouvelle action en justice sans réelle efficacité potentielle. Après tout, les propriétaires du lieu savent pertinemment quel type de commerce s’y pratique et en retirent leur part de bénéfices sous forme de loyers. C’est dans cet esprit que nous avons donc cherché à les contacter, confortés dans notre approche par le fait qu’ils venaient eux-mêmes de déposer leur propre marque « Silk Market » avec la claire intention de la défendre contre toute violation de propriété intellectuelle. Il aura certes fallu attendre un certain temps pour obtenir enfin un premier rendez-vous. Mais le résultat est probant : contre l’assurance que nous n’intenterions aucune action en justice, ils se sont engagés à intervenir contre la vente de faux. Ils ont ainsi instauré des loyers plus faibles pour les détaillants de produits authentiques tout en leur réservant un étage complet. Ils ont également établi une charte des exposants avec un prix réservé au plus vertueux d’entre d’eux. En un mot, nous leur avons clairement signifié que nous ne voulions plus voir de fausses Cartier ou Panerai dans le centre. Et, de fait, il n’y en a plus…

La contrefaçon via Internet semble toutefois plus difficile à combattre ?

Là également, il y a des solutions. Il faut certes constater que les portails de ventes aux enchères, par exemple, refusent de prendre leur responsabilité en affirmant qu’ils agissent uniquement en tant qu’intermédiaires tout en se réfugiant derrière des impossibilités technologiques. Ce qui n’empêche toutefois pas ce modèle d’affaires de permettre la vente de faux. Heureusement, tout le monde ne pense pas de cette manière. Un seul exemple : PriceMinister, le principal concurrent de eBay en France, a pris l’engagement formel de ne permettre la vente d’aucun faux sur son site. Cela leur a certes coûté un peu d’argent pour mettre les procédures en place mais ils y sont arrivés en éradiquant 98% de la contrefaçon sur leur plateforme. Si PriceMinister y parvient pourquoi pas les autres dans la mesure où tout le monde y trouve son compte, du consommateur aux marques en passant par le site lui-même qui gagne en crédibilité et en notoriété. En d’autres termes, même sur Internet, il est possible de faire autrement.

Qu’en est-il du consommateur ?

La législation en vigueur permet de lutter contre les contrefacteurs mais ne dispose pas de mesures adéquates contre ceux qui font l’acquisition et possèdent de faux produits. Or nous ne pourrons certainement pas continuer la lutte avec succès si l’on ne s’attaque pas au client final, même si dans bien des cas il s’agit d’un sujet tabou. C’est donc aussi dans ce sens qu’il faut réfléchir dans le but de responsabiliser le consommateur et lui faire comprendre qu’en achetant des produits contrefaits, il se comporte en escroc. In fine, il s’agit donc d’un problème moral. Pour Al Gore, c’est la planète qui est en jeu. Pour nous, c’est l’emploi. En conclusion, je dirais que si des normes de propriété intellectuelle ont été mises en place, c’est pour avoir un outil à disposition qui établit les règles du jeu permettant de créer, fabriquer et vendre des produits à des consommateurs qui doivent avoir le choix. La contrefaçon en est le principal obstacle.

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