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Economie

Richemont fait son entrée sur le marché de la montre d’occasion

lundi, 18 juin 2018
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Christophe Roulet
Rédacteur en chef, HH Journal

“Vouloir est la clé du savoir.”

« Une trentaine d’années passées dans les travées du journalisme, voilà un puissant stimulant pour en découvrir toujours davantage. »

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7 min de lecture

En rachetant le Britannique Watchfinder, spécialiste reconnu des garde-temps de seconde main, Richemont est le premier horloger d’envergure à faire son entrée sur le marché de plus en plus convoité de la montre d’occasion, promis à une croissance exponentielle.

On aurait cru les horlogers plongés dans une forme de léthargie ces deux dernières années, le temps que les marchés se réveillent et que les montagnes de stocks diminuent. Depuis le début de l’année, on constate au contraire que nombre d’entre eux ont fourbi leurs armes pour mieux rebondir. Et pas seulement côté produits avec des montres à nouveau « raisonnables ». Le constat est on ne peut plus évident en ce qui concerne le groupe Richemont, dont les récentes annonces ressemblent à un puzzle en train de se constituer selon la nouvelle donne du marché. Impossible en effet d’ignorer qu’aujourd’hui les cartes maîtresses sont à jouer dans la distribution et dans la conquête de nouveaux publics. Or que vient de communiquer Richemont ces dernières semaines ? La prise de contrôle de Yoox Net-à-Porter (YNAP) pour € 2,7 milliards à la suite d’une offre d’achat passée à la Bourse de Milan et, plus récemment encore, celle de Watchfinder pour un montant non divulgué. En sachant que l’e-commerce est en passe de devenir un enjeu majeur de la profession, l’acquisition du premier fait de Richemont un acteur prépondérant dans la vente en ligne de produits de luxe, garde-temps compris. Quant au rachat du second, il propulse le Groupe sur le marché des produits horlogers d’occasion, autre théâtre d’opérations promises à une lutte acharnée si l’on en juge par la croissance qui s’y dessine grâce aux millennials.

Croissance exponentielle

En sachant que Richemont a racheté des stocks d’invendus auprès des détaillants pour près de € 500 millions ces deux dernières années, d’aucuns pourraient voir dans la reprise de Watchfinder un « coup » opportuniste permettant à la multinationale de recycler à bon compte ces lots de montres parfaitement taillés pour les marchés de seconde main. D’autant que le coût de cette opération représente une fraction du demi-milliard déjà investi – la Banque Vontobel avance un montant de quelque € 110 millions pour Watchfinder à mettre en rapport avec une trésorerie Richemont de € 5,2 milliards – ; d’autant également que les plates-formes dédiées aux montres d’occasion certifiées sont considérées comme la meilleure arme contre le marché gris. C’est toutefois prêter à Richemont une vision à court terme que le Groupe n’a certainement pas. Avec Watchfinder, la Compagnie voit beaucoup plus loin pour disposer dès aujourd’hui d’un site qui a déjà largement fait sa place dans la recherche, l’achat et la vente de montres de seconde main.

L’une des forces de Watchfinder réside dans son centre de services doté d’horlogers qualifiés.

Fondé au Royaume-Uni en 2002, Watchfinder a connu une forte expansion ces dernières années, parfaitement en phase avec le décollage d’un marché qui devrait à terme dépasser en valeur celui des montres neuves, de CHF 20 milliards à l’export pour la production helvétique en 2017, faut-il le rappeler (~50 milliards au prix de détail). En chiffres, cela veut dire que les ventes de la société, de € 14 millions en 2012, ont passé à € 96 millions au terme de son exercice clos à fin mars 2017, après une levée de fonds de € 7 millions en 2014 pour soutenir la croissance. À l’heure actuelle, selon les indications de Stuart Hennell, cofondateur et directeur de Watchfinder, la société travaille sur un chiffre d’affaires annuel de l’ordre de € 150 millions avec ses 200 employés et 7 boutiques au Royaume-Uni. L’une des forces de l’entreprise réside par ailleurs dans son centre de services, agréé par nombre de Maisons et doté d’horlogers qualifiés par lesquels passent inévitablement les pièces présentées sur le site, soit aujourd’hui plus de 4’000 références provenant d’une cinquantaine de marques parmi les plus prestigieuses. La présence d’un tel service, inexistant auprès des autres revendeurs d’occasion, a très vite inspiré confiance, un atout indéniable lorsqu’il s’agit de développer ce type de modèle d’affaires sur Internet.

La fiabilité des garde-temps en fait des biens hautement échangeables, que l’on peut acquérir et revendre au gré de ses aspirations.
Le marché automobile en point de mire

Cette formidable progression de Watchfinder ne doit rien au hasard. Le marché secondaire horloger réunit à l’heure actuelle toutes les caractéristiques pour en faire un segment d’avenir. Non seulement les amateurs de montres mécaniques – le véritable enjeu de ce marché – se sont multipliés comme une génération spontanée, mais avec le changement de génération ils n’affichent pas les mêmes comportements d’achat. Si les montres sont certes des produits conçus pour durer, pourquoi vouloir nécessairement les considérer comme les compagnons d’une vie ? La fiabilité des garde-temps en fait dès lors des biens hautement échangeables, que l’on peut acquérir et revendre au gré de ses aspirations, sans se ruiner, voire avec la perspective de petits profits. De plus, le vintage, qui est en train de tout emporter sur son passage, répond parfaitement à ce besoin d’authenticité que véhiculent ces montres qui ont déjà vécu. Dans ce contexte, une comparaison s’impose avec le marché automobile, qui sert déjà d’inspiration à nombre de Maisons horlogères en train d’imaginer un univers de services similaires. Comparaison qui inclut forcément le marché d’occasion ? Une seule statistique en dit suffisamment long sur la question : la Suisse a connu 320’000 immatriculations de voitures neuves en 2016, alors que 870’000 véhicules usagés ont changé de mains la même année…

Watchfinder n’est ainsi pas le seul intervenant à surfer sur la vague. Que l’on songe à l’Allemand Chrono24 et ses 375’000 montres d’occasion proposées dans 98 pays pour un volume annuel de transactions qui dépasse allègrement le milliard de dollars. Ou encore à l’Américain Watchbox, lancé en 2012, pour citer un deuxième exemple. Watchbox, qui a connu une croissance annuelle moyenne de 40 % depuis son lancement pour un chiffre d’affaires qui dépasse les CHF 200 millions, affiche clairement ses ambitions. L’entreprise a ainsi obtenu l’an dernier un apport en capital de $ 100 millions de la part du Singapourien CMIA Capital Partners pour financer sa croissance. En mars dernier, la société annonçait encore un partenariat global avec Revolution Media pour enrichir le contenu de son site et ouvrait un mois plus tard son antenne suisse après avoir recruté Patrick Hoffmann, ex-CEO d’Ulysse Nardin, et Suzanne Hurni, directrice de communication de la même maison, aux côtés d’Herbert Gautschi.

Face à cette déferlante, les horlogers restent encore frileux. François-Henry Bennahmias, aux commandes d’Audemars Piguet, et Jean-Claude Biver, à la tête de la division Montres de LVMH, ne sont pour l’instant guère au-delà des déclarations d’intention, tout comme Oris. Rien de tel chez Richemont, bien décidé à se positionner sur un marché dont les estimations restent encore assez vagues – entre 5 et 15 milliards de dollars selon les sources – mais qui promet déjà beaucoup. En faisant l’acquisition de Watchfinder, non seulement le Groupe se dote d’un nouveau canal de distribution, mais il se positionne également sur un créneau des plus porteurs, celui qui le voit désormais détaillant des montres de ses concurrents directs !

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