C’est chez Cortech, site de production de TAG Heuer situé à Cornol, dans le Jura, que la Maison a installé la ligne de production pour son calibre chronographe 1887. « En 2009, quand nous avons démarré, l’objectif était d’arriver à 50’000 kits ébauches en trois ans, expose David De Oliveira, responsable d’atelier. Cette première phase, forte d’un investissement de CHF 20 millions (USD 20, millions / EUR 16,7 millions), est aujourd’hui accomplie. Prochaine étape : doubler les capacités à 100’000 kits encore une fois en trois ans et déménagement des lignes de production dans la nouvelle usine de Chevenez, dont la construction vient de débuter. »
Un deuxième calibre en phase de réalisation
Depuis quelques années, TAG Heuer a en effet entamé une verticalisation à marche forcée, à commencer par l’usine Cortech bâtie en 2004, usine alors destinée exclusivement à la réalisation de boîtes de montre. Lorsque la Maison a commencé à plancher sur son premier calibre développé à l’interne sur la base de plans rachetés à Seiko, le 1887, elle a tout naturellement implanté ses nouvelles capacités industrielles sur le site de Cortech avec comme souci premier d’automatiser sa production au maximum. De fait, aujourd’hui, les centres d’usinage « tournent » 6 jours sur 7, 24 heures sur 24, en totale autonomie durant les deux tiers de la journée.
Le doublement de la production aura donc lieu à Chevenez (JU), synonyme d’une forte augmentation des effectifs, qui vont passer des 40 collaborateurs actuels à 150 d’ici à trois ans. En attendant, l’outillage installé chez Cortech va également être sollicité pour la réalisation du deuxième calibre maison, le 1888, entièrement développé à l’interne cette fois. « Nous sommes en train de réaliser les premiers prototypes, précise David De Oliveira. Ce mouvement chronographe, différent du 1887 dans sa conception, doit toutefois répondre aux mêmes impératifs industriels nous permettant d’en optimiser la fabrication. »
La filiale de TAG Heuer qui occupe 180 personnes produit aujourd’hui 200'000 boîtes, essentiellement pour sa maison mère et Zenith.
Reprise d’ArteCad
Cette montée en puissance de TAG Heuer dans la production de mouvements s’accompagne également d’un renforcement dans la réalisation des autres composants de la montre. En d’autres termes, les espaces bientôt libérés par le déménagement à Chenevez permettront ainsi à Cortech de pousser ses propres capacités industrielles. Avec un chiffre d’affaires de l’ordre de CHF 35 millions (USD 35,6 millions / EUR 29,1 millions), la filiale de TAG Heuer qui occupe 180 personnes produit aujourd’hui 200’000 boîtes, essentiellement pour sa maison mère et Zenith. Le but est de monter progressivement à 300’000 pièces par an. Là également, l’industrialisation, qui va de l’étampage au polissage et au montage en passant par tous les processus d’usinage, a été conçue selon des impératifs de rendement et de flexibilité : peu de stocks, des flux tirés au maximum selon la demande, le tout servi par un parc machines en constante évolution.
TAG Heuer ne s’est toutefois pas contenté de ces seules unités de production, complétées par un atelier mouvement à la pointe de la recherche sur son site principal de La Chaux-de-Fonds. L’an dernier, la Maison se portait ainsi acquéreur d’ArteCad, manufacture de cadrans basée à Tramelan (BE). ArteCad était d’ailleurs bien connue de la Maison. Société familiale depuis plus de 125 ans, cette entité avait en effet été acquise en 2000 par LVMH, propriétaire de TAG Heuer, avant qu’un « management buy out » lui donne un nouveau souffle quatre ans plus tard. « Nous avons gardé notre indépendance pendant sept ans, explique Phillipe Hubbard, corepreneur de l’entreprise en 2004 et actuel directeur en charge du Développement produits. Durant ces années, nous avons tout d’abord assaini la situation puis fortement développé l’activité, notamment en élargissant notre base de clientèle. Les effectifs ont passé de 55 personnes à 230 aujourd’hui. »
Plus de 150 manipulations par cadran
ArteCad sert ainsi les marques du groupe LVMH, TAG Heuer, Hublot, Zenith et Louis Vuitton, mais aussi des Maisons tiers comme Bulgari. « Nous tenons à conserver ces partenariats pour sécuriser la production, poursuit Philippe Hubbard. Cela nous permet ainsi de pouvoir répondre à toutes les demandes, de la pièce unique à la grande production en passant par les petites séries et le sertissage. » Dans un premier temps fortement dépendant de ses sous-traitants, ArteCad a également entamé son propre processus de verticalisation pour devenir l’un des cadraniers parmi les plus intégrés. Si l’on songe que la réalisation d’un cadran de chronographe représente pas moins de 150 manipulations, c’est dire la palette de métiers dont ArteCad peut aujourd’hui se prévaloir. Sans oublier les technologies au laser que l’entreprise a été la première à introduire dans l’univers du cadran ou les nouvelles presses permettant des frappes jusque-là impossibles à réaliser.
Travail délicat s’il en est, la réalisation d’un cadran ne laisse guère de marge à l’erreur. « Le processus de fabrication commence par du polissage, suivi du traitement de surface, de l’usinage, de la galvanoplastie, de la peinture, du décalque et de l’assemblage final avec, notamment, la pose de matière luminescente, détaille Philippe Hubbard. Toutes ces opérations sont entrecoupées par le lavage des pièces et complétées par la fabrication des index. Une fois le polissage terminé, les possibilités de reprise sont toutefois très faibles. Raison pour laquelle, vu le nombre d’opérations, il est essentiel de pouvoir disposer de processus d’usinage répondant à des normes très strictes en matière de qualité. En ce qui nous concerne, nous arrivons à produire nos séries avec 10 % de pertes, ce qui est un record. » TAG Heuer ne pouvait rêver meilleur partenaire.