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Traque à l’or sale
Histoires de montres

Traque à l’or sale

vendredi, 27 novembre 2009
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Christophe Roulet
Rédacteur en chef, HH Journal

“Vouloir est la clé du savoir.”

« Une trentaine d’années passées dans les travées du journalisme, voilà un puissant stimulant pour en découvrir toujours davantage. »

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7 min de lecture

Après les « diamants du sang », c’est au tour de l’« or sale » de mobiliser les défenseurs du développement durable, qu’ils soient industriels, horlogers/joaillers ou revendeurs. La filière est en train de s’organiser pour un premier système de certification opérationnel dès janvier prochain.

Les principes du développement durable auront-ils gain de cause au sein de la filière de l’or comme ils se sont déjà imposés dans celle du diamant via le « Kimberley Process » ? La question aurait certainement pu paraître totalement saugrenue il y a quelques années seulement. Aujourd’hui, elle se pose toutefois avec nettement plus d’acuité. Et pour cause, plusieurs organisations non gouvernementales (ONG) sont à l’œuvre depuis quelques temps déjà, non sans avoir fait des émules tout au long de la chaîne, des industries minières aux détaillants finaux. Sans oublier les campagnes de sensibilisation auprès d’un public largement ignorant des enjeux entourant le roi des métaux précieux.

Une insouciance coupable ?

Les jeunes tourtereaux qui se précipitent main dans la main chez leur joailler préféré pour choisir leurs bagues de mariage ne se soucient en effet guère de la provenance de l’or et encore moins des conditions dans lesquelles il a été extrait. L’essentiel tient finalement à ce que l’anneau en question soit façonné dans ce métal qui a fait fantasmer toutes les civilisations, des Incas aux Romains de Crassus, à qui l’on coula de l’or fondu dans la bouche pour le punir de son avidité, jusqu’aux orpailleurs de la conquête de l’Ouest américain et aujourd’hui aux nombreux mineurs de l’ombre actifs dans ces pays « pauvres de leurs richesses naturelles ». Le principe voulant que ce qui est rare soit précieux s’applique en effet admirablement à l’or si l’on songe que depuis l’aube de l’humanité seulement 161’000 tonnes de métal jaune ont été produites, soit un cube de 20 mètres de côté ou l’équivalent de deux piscines olympiques.

Une aubaine pour l’épargnant qui, dès maintenant, peut acheter directement ses lingots d’or chez Harrod’s à Londres. Pour l’investisseur, l’or a toujours été une valeur refuge, d’autant plus prisée quand le dollar baisse, comme c’est le cas actuellement, ou lors de revers conjoncturels. Il suffit d’observer les récents développements des cours du métal jaune pour s’en convaincre. Sur un an à fin novembre 2009, l’once d’or (31 grammes) a enregistré une progression de 46% à près de 1’185 dollars et de 162% sur cinq ans. En comparaison, le Dow Jones, indice phare de la planète boursière, a connu durant les mêmes périodes une évolution de 20% et de -0,5% respectivement. Dans ces conditions, il n’est pas difficile de comprendre que les questions éthiques en matière d’or sont vite reléguées au second plan.

Evolution du cour de l'once d'or en dollar sur 5 ans
Evolution du cour de l'once d'or en dollar sur 5 ans
Premier pollueur aux Etats-Unis

Ces arguments n’ont toutefois pas l’heur de décourager les militants, bien au contraire. Et si, outre les industriels et les raffineurs, ils tentent en priorité de sensibiliser les clients finaux des magasins de bijouterie, c’est que la joaillerie absorbe environ 80% de la production annuelle d’or (2’500 tonnes/an) pour un marché évalué à 80 milliards de dollars. Et leurs arguments ont assurément de quoi faire réfléchir si l’on sait qu’il faut extraire en moyenne une vingtaine de tonnes de roche aurifère pour obtenir une once du précieux métal, soit l’équivalent de notre bague de mariage. Aucune autre industrie minière n’est aussi gourmande en minerais. En d’autres termes, les grandes compagnies du secteur, qui assurent près de 80% de la production mondiale, exploitent aujourd’hui d’immenses mines à ciel ouvert, soit autant de cratères de plusieurs kilomètres carrés considérés comme d’énormes cicatrices à la surface de la terre.

Et c’est encore sans compter les problèmes de pollution dus à l’utilisation des cyanure, arsenic ou cadmium et soufre aux différents stades d’extraction, des produits toxiques qui s’évaporent dans l’air et que l’on retrouve également dans les décharges aux sols contaminés, voire dans l’eau quand les rebus de roche sont évacués dans les rivières adjacentes. C’est simple, aux Etats-Unis, deuxième producteur mondial d’or, l’industrie minière d’extraction des métaux est le premier pollueur du pays avec près de 30% du total des émanations toxiques, selon l’Agence de protection de l’environnement du pays. Les mines de la société Pegasus, tombée en faillite à la fin des années 90, ont par exemple engendré une pollution des eaux telle dans l’Etat du Montana que le gouvernement va devoir investir des millions de dollars sur les 120 prochaines années pour tenter de rétablir la situation. Une facture qui ne sera assurément pas présentée aux actionnaires de la défunte société…

Est du Congo, des milliers de mineurs travaillent dans des fosses boueuses, l'extraction de sable, de boue et de roches à la recherche d'or © Tineke D'haese/Oxfam Solidarité
Est du Congo, des milliers de mineurs travaillent dans des fosses boueuses, l'extraction de sable, de boue et de roches à la recherche d'or © Tineke D'haese/Oxfam Solidarité
L’enfer des mines

Si, maintenant, l’on descend plus au Sud, dans les pays où les régulations sont nettement plus floues, le tableau devient véritablement rebutant. Les mines d’or et leurs déjections ont en effet empoisonné les rivières de Guyane, détruit une partie de la forêt pluviale de Papouasie Nouvelle Guinée, entrainé le déplacement de villages entiers aux Philippines, assujetti des milliers d’enfants aux « travaux forcés » en Afrique de l’Ouest… Selon un rapport des Nations Unies, un cinquième de la production mondiale d’or est le fait de ces 12 à 13 millions de mineurs qui continuent de travailler à la manière des orpailleurs américains du XIXe siècle, œuvrant dans des conditions exécrables pour survivre, empoisonnés au mercure qui leur sert pour amalgamer la poudre du métal jaune, véritables esclaves de l’or sale.

Une situation inacceptable aux yeux des ONG Earthworks et Oxfam qui ont lancé la campagne « No Dirty Gold ». Objectif : sensibiliser l’opinion publique aux atteintes de cette industrie minière, atteintes aux droits de l’homme et à l’environnement, afin qu’elle adopte un code éthique digne de ce nom. Des compagnies comme Boucheron, Cartier, Piaget, Tiffany et Van Cleef & Arpels ont d’ores et déjà répondu présent. En parallèle, le Responsible Jewellery Council (RJC) travaille d’arrache pied depuis 2005 dans le but d’imposer tout le long de la filière de l’or des standards pour une conduite des affaires responsable. Et ceux-ci sont censés aboutir à un système de certification indépendante et neutre des différents acteurs, certification qui doit notamment permettre la traçabilité d’un métal obtenu selon des méthodes d’extraction respectueuses de l’environnement et des travailleurs. Les premières du genre devraient débuter dès l’année prochaine parmi les 130 signataires du RJC qui compte, entre autres, Cartier et Tiffany comme membres fondateurs mais également Baume & Mercier, Chanel, Jaeger-LeCoultre, LVMH, Montblanc, Van Cleef & Arpels et le groupe Richemont comme « supporter ». Après les « diamants du sang », c’est au tour de l’or sale de mobiliser les professionnels. Question de bien montrer au client final que l’industrie du luxe est aussi une industrie responsable. Une affirmation qui est loin d’être une évidence si l’on considère le nombre de grands noms manquant dans la liste du RJC !

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