Comme tout bon Britannique, Iain Percy manie le second degré avec autant d’habileté que la barre de son catamaran ultrarapide. Derrière sa barbe touffue, il décrit donc avec esprit et humour les contours du partenariat qui unit désormais Artemis Racing, équipe inscrite pour la prochaine America’s Cup, et la manufacture horlogère Ulysse Nardin, propriété du groupe Kering. Jusqu’en 2017, les deux entreprises feront cause commune dans le cadre d’une union qui dépassera le simple achat de visibilité et de légitimité. C’est en tout cas le contenu de l’annonce faite en mars dernier à Baselworld par Patrik Hoffmann, CEO d’Ulysse Nardin, en présence du skipper et de Loïck Peyron, membre de l’équipe Design d’Artemis.
L’histoire maritime d’Ulysse Nardin est largement connue, au premier chef par les marins eux-mêmes en raison de la qualité des chronomètres de bord que la manufacture produisait jusqu’à récemment. Son retour sur les flots était donc prévisible. Mais, en bons gestionnaires, Patrik Hoffmann et son équipe ont attendu la vraie bonne opportunité. En effet, au-delà d’un simple logo visible sur un navire qui disputera la compétition vélique la plus pointue au monde, Ulysse Nardin entend s’engager intensément dans cette nouvelle aventure. Il faut savoir que ces bateaux-là volent littéralement sur les eaux grâce à des foils leur permettant d’atteindre facilement 90 km/h. Pour y arriver, ces « formules 1 des mers » exigent des ressources peu communes en matière de recherche et développement comme de design. C’est bien là qu’Ulysse Nardin entend apporter sa pierre à l’édifice, car, au final, ce sont souvent les performances mêmes du navire qui font la différence. Chez Artemis, on est plus que ravi d’accueillir à bord des innovateurs et experts en micro-ingénierie. Rencontre avec Iain Percy.
Iain Percy : Nous étions au Locle pour discuter d’un partenariat éventuel quand la discussion a évolué naturellement vers des questions de technologie et d’innovation. Patrik Hoffmann est définitivement un homme de produit, ce qui est également notre cas chez Artemis. Ulysse Nardin conçoit et fabrique des montres compliquées, nous faisons de même, mais avec des voiliers de compétition à haute vitesse. Nous avons donc discuté de nos univers de travail respectifs et nous sommes trouvés beaucoup de points communs. Ils nous ont donné envie de vraiment travailler ensemble.
Chaque bateau doit respecter scrupuleusement un cahier des charges strict appelé « jauge ». Certaines interdisent par exemple l’usage d’appareils électroniques spécifiques. Nos ingénieurs sont ainsi appelés à rencontrer ceux d’Ulysse Nardin pour développer des solutions techniques applicables sur les bateaux. Nous avons en effet beaucoup à apprendre des horlogers qui sont des experts dans l’art de simplifier les choses et de maîtriser la mécanique pour créer des systèmes efficaces et fiables. En mer, nous devons par exemple déplacer des éléments rapidement et de manière très précise. L’expertise d’Ulysse Nardin nous sera très utile pour trouver des solutions ingénieuses.
Les bateaux actuels sont construits avec plusieurs matériaux high-tech qui pourraient intéresser Ulysse Nardin. Nous avons aussi imaginé embarquer des montres à bord pour leur faire subir des tests. Mais rien n’a encore été clairement arrêté à ce jour.
Les courses préparatoires America’s Cup World Series vont s’échelonner dès cette année et jusqu’en 2016. Elles se tiendront à Cagliari en Sardaigne, Portsmouth en Grande-Bretagne, Göteborg en Suède, Hamilton dans les Bermudes et Chicago. Cette série de régates aide les équipages à s’entraîner dans des conditions réelles en vue de l’America’s Cup. Pour Ulysse Nardin, ce sera l’occasion de découvrir en direct le monde de la compétition vélique et de le faire partager à ses partenaires.