Karl-Friedrich Scheufele, co-président de Chopard : Nous nous identifions pleinement aux valeurs prônées et défendues par la Fondation de la Haute Horlogerie. C’est la raison essentielle qui nous a incités à la rejoindre. De plus, la FHH assure une formation à différents niveaux dans le monde, ce qui est très important dans notre métier. Sans oublier le réseau d’informations qu’elle offre, notamment avec son site Internet qui est exhaustif et de qualité. En un mot, nous nous identifions à la Fondation compris comme un organisme qui défend les valeurs que l’on représente et qui sait les communiquer. Dans notre domaine, énormément d’efforts sont portés au niveau des calibres horlogers, il est donc de première importance de savoir en parler.
Cette dernière décennie, il y a eu un énorme appel d’air dans le domaine de la montre mécanique. Dans l’histoire horlogère, il n’y a jamais eu autant de nouvelles constructions, de nouvelles complications et de nouvelles marques. En bref, un enthousiasme général pour ce domaine particulier de l’horlogerie qui s’est traduit par de nombreux efforts réalisés par les Maisons, en grande majorité très positifs et pleins de discernement. Il faut cependant bien avouer que certaines d’entre elles ne respectent pas les codes de la Haute Horlogerie, ce qui peut être dommageable pour l’ensemble de la profession.
D’une manière générale, une telle montée en gamme favorise l’innovation, la recherche et tout ce qui leur est lié. Mais j’y vois quand même un danger, celui d’oublier ces amateurs de montres qui ne peuvent pas suivre une telle évolution au niveau budgétaire. La Haute Horlogerie ne consiste pas uniquement à faire rêver, elle doit également rester accessible.
Chopard dispose d’une longue tradition horlogère mais qui a été interrompue au niveau de la conception et de la fabrication de mouvements. C’est pourquoi nous avons décidé de renouer avec nos racines de Maison de Haute Horlogerie en recréant une manufacture à Fleurier, dans le but de produire nos propres mouvements qui forment la gamme L.U.C. Mais celle-ci est encore jeune. Je vois toutefois cette jeunesse comme un avantage car elle nous permet de nous exprimer avec liberté, sans trop tenir compte d’une tradition par trop ancienne qui pourrait, dans certains cas, être considérée comme un frein. Notre récente ligne L.U.C Tech en est une parfaite illustration avec des modèles qui représentent une synthèse entre innovation et tradition.
Même si l’année a extrêmement bien commencé, il faudra en attendre la fin pour se faire une idée précise. Les récents événements intervenus sur les marchés financiers, tout comme le retournement conjoncturel en cours, font que l’on doit rester prudent et prêt à un certain ralentissement. A l’heure actuelle, nous n’avons aucune visibilité. Ce que je constate, c’est que les marchés n’inspirent plus guère confiance. Il faut maintenant attendre pour savoir si nous faisons face à un phénomène de longue durée ou non.
Ce que je constate, c’est que le « timing » était bon et que je me suis montré plutôt réaliste dans mes prévisions. Je pensais en effet qu’il faudrait bien une dizaine d’années pour pouvoir jeter les fondements d’une manufacture dotée du savoir-faire nécessaire. Or aujourd’hui, nous disposons effectivement d’une bonne base industrielle et artisanale nous permettant d’être performants dans la Haute Horlogerie, certes encore à petite échelle. Nos collections L.U.C. représentent en effet 4’000 à 5’000 pièces sur un total de 75’000 montres produites par année chez Chopard. Notre défi aujourd’hui consiste donc à étendre ce savoir-faire et à passer à la vitesse supérieure. Cela dit, si la volonté est effectivement d’augmenter les volumes de nos modèles L.U.C., nous sommes bien obligés de tenir compte des délais de livraison sur tel ou tel composant, qui comme vous le savez, sont toujours assez aléatoires. De plus, il est hors de question de faire des concessions à la qualité, de sorte que nous allons avancer avec prudence, sans sauter d’étapes. Enfin, si je devais retenir une seule leçon de cette aventure, c’est que lors du lancement, je n’ai pas véritablement apprécié les difficultés à leur juste valeur. Si l’on sait ce qui nous attend, cela décuple le courage pour parvenir aux objectifs visés.
Nous avons largement dépassé la centaine de boutiques et nous augmentons le nombre de points de ventes détenus en propre. L’an dernier, nous avons inauguré notre première boutique de nouvelle génération, un concept que nous allons étendre, notamment à Singapour cette année encore si tout se passe bien.
Avec toutes les pièces mécaniques vendues ces dernières années, la population mondiale de ce type de montres représente en effet un défi pour l’horlogerie. Or il faut bien l’avouer, la profession n’est pour l’instant pas à même d’assurer ce service dans des délais satisfaisants. On a pourtant identifié le problème il y a longtemps. Mais cela nécessite beaucoup d’efforts, d’autant que l’horlogerie suisse est faite de nombreuses petites entités. C’est là qu’entrent en jeu les avantages offerts par une manufacture. Dans la mesure où tout se fait chez nous, il est aussi plus facile d’intervenir sur les pièces et composants qui sortent directement de nos ateliers. Assurer, sur la plus longue période possible, un service après-ventes qui tient la route représente donc bien une véritable gageure pour la profession dans les années à venir.