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Un samedi soir comme un autre à Bali
Culture

Un samedi soir comme un autre à Bali

vendredi, 28 novembre 2008
Par Quentin Simonet
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Quentin Simonet

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6 min de lecture
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Chez Bagus Watch à Bali, tout est faux. Le magasin ne s’en cache d’ailleurs pas. Sans aucune gêne, il annonce la couleur : « the ultimate range of replica watches in Asia ». Mais les touristes n’en ont cure.

Kuta, l’antre du tourisme balinais, un samedi soir ordinaire. Les rues sont noires de monde. Cela grouille de partout. Les touristes chinent. D’une boutique à l’autre, ils amassent d’innombrables souvenirs. Les vacances touchent à leur fin.

Un magasin en particulier cristallise toute l’attention. Les chalands s’y pressent. Il y a du monde jusque dans la rue. Les yeux des touristes brillent de joie. Le bonheur de l’achat n’est pas loin. A l’intérieur, des centaines de montres, plus belles les unes que les autres, exposées avec goût, sur des étagères luxueuses. Le personnel est avenant, accueillant, prévenant. On vous propose même de l’eau. Bienvenue chez Bagus Watch. Tout est fait pour faciliter l’achat dans une ambiance presque feutrée. On se croirait dans une boutique de la rue du Rhône à Genève ou à la Bahnhofstrasse de Zurich.

Mais ce qui est extraordinaire, c’est qu’on jurerait des vraies.
Ressemblances troublantes

Toutes les marques de prestige sont représentées. D’Audemars Piguet à Zénith. Seul hic et de taille, ici c’est l’eldorado du faux. Le magasin ne s’en cache d’ailleurs pas. Sans aucune gêne, il annonce la couleur : « the ultimate range of replica watches in Asia ». Les touristes n’en ont cure. Ce qu’ils veulent, c’est la frime. S’offrir une part du rêve même s’il n’est fait que d’illusion. Ursula, californienne, la cinquantaine, a craqué pour pas moins de quatre Rolex. Elle a une préférence pour la montre Daytona, qu’elle met directement au poignet, avant même de sortir de la boutique. Les autres seront offertes à des membres de la famille. Le visage marqué par un excès de chirurgie esthétique, le sourire d’Ursula peine à s’esquisser, mais sa joie est indéniable. « Cela m’a coûté 1,6 million de rupiahs indonésiens (IDR). C’est-à-dire environ 160 dollars. A ce prix-là, cela vaut la peine. Mais ce qui est extraordinaire, c’est qu’on jurerait des vraies ».

Et c’est là que le bât blesse, qu’il fait le plus mal. Les garde-temps de la forfanterie sont d’une ressemblance très troublante, gênante, dérangeante avec l’originale. Pour certains, la majorité malheureusement, il faut y regarder à plusieurs fois pour avoir la certitude de la contrefaçon. Les mouvements automatiques sont légion, les finitions soignées, les fonds transparents, les bracelets cuir hyper solides. On pousse même le vice à vous offrire un écrin pour votre fausse montre IWC ou Cartier. Le modèle Ballon bleu de cette dernière est d’ailleurs très réussi. Les copies des tout récents modèles présentés à Baselworld et au SIHH 2008 trouvent aussi leur place dans ce souk. Et si la montre que vous souhaitez n’est pas dans les rayonnages, pas de problème. Vous pouvez passer commande. En moins d’une semaine, vous serez livrés. Heureusement, d’autres modèles sont d’une vulgarité pathétique. Une insulte à la beauté, une offense qui sera un jour voués aux gémonies. Du moins, on l’espère.

Une loi dissuasive avez-vous dit ?
Toute la gamme du luxe est présente

Un couple de Zurichois a porté son choix sur une Panerai pour lui et une Vacheron Constantin pour elle. Ils ne savent pas ce qu’ils risquent à la frontière suisse. Il est vrai que ce n’est pas grand-chose (simple saisie). La Fédération de l’industrie horlogère suisse (FH) a néanmoins encore du travail au niveau de la communication. Une fois renseigné sur la nouvelle loi, le couple hésite. Lui repose la montre, la reprend, puis la repose. Après plusieurs minutes de conciliabules, ils se décident…et se dirigent vers la caisse pour payer leurs achats. 490’000 rupiahs pour la Vacheron Constantin (env. $ 52.-) et 350’000 (env. $ 38.-) pour la Panerai. Une loi dissuasive avez-vous dit ?

Ce n’est pas une surprise de voir chez Bagus Véronique, une française d’environ trente ans. Elle qui affectionne le faux, à tel point que son corps n’a plus grand chose d’original. Pour parer sa poitrine qui défie les lois de la gravité, elle jette son dévolu sur un collier Bulgari. Oui chez Bagus, on trouve de tout. L’ensemble de la gamme de luxe est présente : des bagues, des boutons de manchettes, en passant par les stylos, plumes et autres instruments d’écritures de maisons de luxe. Véronique au passage s’offre aussi un châle pseudo-Hermès : « le temps sera frais de retour en France ». Ce n’est pourtant pas la température qui jette un froid.

Un travail de Sisyphe en vue

Mais où sont produites ces montres ? Qui les fabrique ? La question est posée au personnel. Malaise, sourires crispés. On appelle le responsable de la boutique, qui porte une cravate Dior de pacotille. « Et en quoi cela vous intéresse-t-il ? ». Sec, hautain. Le ton a changé. Il n’est plus obséquieusement commercial. La discussion s’envenime. Plus rien de diplomatique. Les noms d’oiseaux volent. Notre présence n’est plus la bienvenue et c’est un euphémisme. Les clients échangent des regards gênés. Le couple de Zurichois prend la poudre d’escampette. Nous aussi.

Trois cents mètres plus loin, un autre magasin Bagus Watch. Puis un autre. Une filiale cette fois-ci : Euro Watch. Le concept est identique, seules les couleurs des enseignes changent. Là aussi, le personnel virevolte, arrivant à peine à faire face à la meute de clients. Les touristes s’arrachent presque les montres des mains. Surprise, le couple de Zurichois s’y trouve aussi. C’est une Omega qui va cette fois-ci enrichir leur collection. Si le cœur a ses raison, la contrefaçon n’en a qu’une : celle de l’illégalité. Le travail des Sisyphe de la lutte contre le faux a encore beaucoup de pain sur la planche.

Au fait, Bagus, en indonésien, signifie bon, bien. Il renvoie à des aspects positifs, voire très positifs. Allez comprendre.

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