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Une montre à gousset pour sir Kenneth Branagh
Histoires de montres

Une montre à gousset pour sir Kenneth Branagh

jeudi, 24 août 2017
Par Frank Rousseau
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Frank Rousseau

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9 min de lecture

Quarante ans après Sydney Lumet, Kenneth Branagh propose une nouvelle version du Crime de l’Orient-Express, tiré – of course – de l’œuvre d’Agatha Christie. Pour ce faire, l’acteur shakespearien s’est entouré d’un casting quatre étoiles : Johnny Depp, Willem Dafoe, Penelope Cruz, Michelle Pfeiffer…

Good news pour ses fans, la star britannique ne se contente pas de rester sur un quai de gare et derrière la caméra puisqu’elle incarne également le détective Hercule Poirot, une « institution » belge que l’on ne présente plus. Bref, cette production first class a visiblement toutes les qualités pour faire dérailler la concurrence ! En attendant, Kenneth nous en dit plus sur l’investigateur moustachu et son incontournable Turnip Pocket Watch…

Si je vous dis Hercule Poirot qu’est-ce qui vous vient tout de suite à l’esprit ?

Belge, déjà ! (rires) Cet homme incarne très bien la Belgique de cette époque. C’est un homme fin, cultivé, d’une politesse extrême. Toujours bien habillé. On sent bien qu’il prend un soin méticuleux pour être élégant. Il porte le costume trois-pièces de façon classique mais l’agrémente parfois d’un accessoire qui, au regard de nos contemporains, pourrait paraître risible, voire ridicule, comme, par exemple, des fixe-chaussettes. Le col de ses chemises est amidonné et d’un blanc impeccable. Bien entendu, il arbore un gilet et, de sa petite poche, il sort sa montre à gousset retenue par une chaînette. C’est le chic ultime à cette époque. Poirot représente, au fond, le bon goût avec une dose d’excentricité. C’est définitivement un personnage haut en couleur !

On dit que la montre reflète souvent la personnalité de celui qui la possède. Êtes-vous d’accord ?

Indéniablement ! Agatha Christie voulait que Poirot possède les qualités suivantes : il devait être précis, méticuleux, tatillon et surtout ponctuel. Le fait qu’il regarde sa montre à tout bout de champ démontre d’une certaine manière sa volonté de maîtriser le temps. Cet objet, assez dérisoire dans l’absolu, devient un élément important de la « panoplie » du personnage. La montre à gousset devient aussi indissociable de cet inspecteur que sa légendaire moustache. C’est comme une extension de lui-même. Lorsque vous le voyez sortir sa montre de son gilet, vous savez qu’il va se passer quelque chose. C’est comme si l’espace-temps était en suspension, figé. Vous comprenez surtout que vous avez affaire à un professionnel pour qui le moindre détail compte. Le temps est en effet un paramètre vital quand il est question d’une enquête policière. Il permet de recouper certaines informations et de replacer l’action dans son contexte. Pour Hercule Poirot, la meilleure façon de démasquer un criminel ou de dénouer une énigme est de s’asseoir dans un fauteuil et de faire fonctionner au mieux sa matière grise… tout en remontant le mécanisme de sa montre !

Pourquoi, selon vous, la ponctualité était-elle une qualité fondamentale à cette époque ?

Le XXIe siècle est un siècle qui va très vite et qui ne nous permet pas toujours d’être à l’heure. Je sais, c’est un paradoxe. On envoie des gens dans l’espace. On est capable de calculer leur temps d’arrivée à la seconde près sur un autre astre mais d’un autre côté, sur Terre, les trains et les avions arrivent de plus en plus en retard. Il faut dire qu’à l’époque victorienne les transports n’étaient pas « démocratisés » comme aujourd’hui. Il n’y avait pas non plus un maillage de trains comme de nos jours. Quelqu’un qui n’était pas ponctuel à l’époque d’Hercule Poirot était perçu comme un goujat, un malotru. Le fait d’être à l’heure à un rendez-vous démontrait que vous étiez fiable et que l’on pouvait compter sur vous. C’était la preuve de votre engagement dans une tâche à accomplir.

Sir Kenneth Branagh
Sir Kenneth Branagh
On a l’impression que vous regrettez ce siècle où les voyageurs prenaient leur temps au lieu de courir après lui !

C’était effectivement une époque où les gens prenaient le temps de se poser. Aujourd’hui, nous recherchons la vitesse pour aller d’un point A à un point B. Nous voyageons au fond comme des malles, sans rien voir ! Que vous soyez dans un avion, une voiture, un train ou un bateau, la vitesse tue l’espace de méditation et de contemplation. En voyant ce film, je suis sûr que le public voudra monter dans ce train. Nous rendons hommage au Golden Age du voyage. C’était le temps où l’on débouchait une bonne bouteille en regardant défiler le paysage.

Poirot possédait une montre à gousset. On dit que ces montres reviennent à la mode. Comprenez-vous cet engouement ?

Oui, car c’est le type même de montre qui permet de se distinguer dans cet « océan » de montres-bracelets. Certes, avec les montres portées au poignet, nous avons gagné en efficacité. Comme nous n’avons plus à fouiner dans nos poches, nos gestes sont devenus plus simples et dépourvus d’amplitude. Il suffit de tourner son poignet pour lire l’heure, alors qu’avant il fallait déboutonner sa veste pour accéder à la poche du gilet où se trouvait l’objet. Une montre à gousset, cela signifiait également que vous deviez la remonter à intervalles réguliers, contrairement à ces montres actuelles qui se synchronisent avec des horloges atomiques. OK, c’est fascinant de se dire qu’on est en possession d’une montre parmi les plus précises du monde, mais on a perdu la grâce de ce mouvement qui consistait à s’arrêter un moment, à tirer sur la chaînette et à tenir dans la paume de sa main cette pièce d’horlogerie. Généralement, ces montres très épaisses étaient dotées d’un boîtier en laiton ciselé et gravé avec des motifs et des inscriptions. Très peu de modèles étaient fabriqués en or ou en argent. Mais la matière importait peu. Le plus important, c’était d’avoir une montre. Vous aviez d’un côté ceux qui en avaient une et de l’autre ceux qui rêvaient d’en avoir une !

Poirot sans la moustache, c’est un peu comme Bruxelles sans moules. Parlez-nous de cette moustache finement travaillée.

Cette moustache joue un rôle à part entière. C’est presque un personnage dans la mesure où elle permet à Poirot de se cacher derrière. Mais c’est aussi un élément de provocation qui le distingue des autres. La moustache de Poirot, c’est un peu le symbole poilu de sa vanité ! L’autre point intéressant, c’est que certaines personnes se moquent de lui à cause de cette moustache qui lui mange le visage. Quelque part, elle le rend ridicule. Et comme il apparaît ridicule, on le sous-estime. Et comme on le sous-estime, il en profite pour aller chercher la vérité sans qu’on s’en aperçoive vraiment.

Sir Kenneth Branagh
Sir Kenneth Branagh
Vous n’avez pas hésité à reconstruire des wagons entiers de l’Orient-Express. Quel était le plus grand défi ?

Le souci du détail, la patine des cuirs, les bois précieux… Nous ne voulions pas que ce décor sonne faux ou bas de gamme. À l’instar des moustaches de Poirot, l’Orient Express est aussi un personnage à part entière. D’ailleurs, il est dans le titre du film ! (rires) Nous avons accordé une attention toute particulière aux matériaux utilisés pour ce train. Ce que nous voulions, c’est faire suinter le luxe et surtout l’authenticité ! J’ai, par exemple, veillé personnellement à ce que les bouteilles de vins servis à l’époque dans ce train soient reproduites à l’identique. Le contenu, lui, était une infâme piquette ! Heureusement que les acteurs ne l’ont pas bu. Sinon, ils m’auraient traîné devant les tribunaux pour tentative d’empoisonnement !

En juin 2012, vous avez été anobli par la reine. Quelle montre portiez-vous ce jour-là ?

Je ne m’en souviens plus, il y a prescription de toute manière !

Racontez-nous comment cela s’est passé…

Déjà, je n’ai pas eu à me rendre au Palais pour être informé. Six semaines avant que le nom des personnes honorées soit révélé, vous recevez un courrier du Cabinet du gouvernement qui vous informe que le Premier Ministre et la reine souhaitent vous conférer le titre de Chevalier de l’Ordre de l’Empire britannique. La tradition exige que vous ne révéliez rien à personne avant l’anniversaire de Sa Majesté. Ce qui est, ma foi, très fair-play ! Une fois que les choses ont été officialisées et que le protocole a été respecté, j’ai contacté sir Michael Caine pour qu’il m’explique un peu quels sont les gestes à faire ou à ne pas faire. Je me souviens qu’un jour ce regretté Roger Moore, pardon, sir Roger, était terrifié à l’idée de s’agenouiller devant la reine. En fait, ce n’est pas tant de se retrouver devant la reine qui le terrorisait – James Bond en a vu d’autres – mais plutôt de ne pas pouvoir se relever, car son genou le faisait terriblement souffrir ! Du coup, j’ai commencé à angoisser. Je me disais qu’avec la cape et tout l’attirail qu’on vous met sur le dos le jour J j’aurais moi aussi de la peine à me relever avec tout ce poids. Je sais que la reine a dû faire chevaliers au moins 4 000 personnes depuis qu’elle est sur le trône et qu’elle n’a jamais été confrontée à ce type de situation. Le drame, c’eût été que je fasse exception et que je sois ridiculisé jusqu’à la fin de mes jours !

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