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Une nouvelle épée de Damoclès forgée en Chine
Economie

Une nouvelle épée de Damoclès forgée en Chine

jeudi, 2 juin 2016
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Christophe Roulet
Rédacteur en chef, HH Journal

“Vouloir est la clé du savoir.”

« Une trentaine d’années passées dans les travées du journalisme, voilà un puissant stimulant pour en découvrir toujours davantage. »

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6 min de lecture

Depuis avril, la Chine a introduit une nouvelle taxe d’importation sur les articles de luxe rapportés par les ressortissants du pays. Taxe qui passe de 30 % à 60 % de leur valeur. Cette mesure, dont l’impact est encore difficile à mesurer, vient encore complexifier l’environnement des horlogers suisses.

Pour les horlogers suisses, la Chine est passée du statut d’eldorado à celui d’antichambre de l’enfer. Pour exagérée qu’elle puisse paraître, cette comparaison n’est pas dénuée de sens. Au lendemain de la crise des subprimes et après une année 2009 calamiteuse, la folle croissance qu’ont connue les Maisons horlogères pendant un lustre a été due essentiellement aux rugissements du dragon chinois. Il n’est pas un seul professionnel qui ait alors résisté à l’appel, véritable chant des sirènes à ses oreilles. Maintenant que les mesures anti-corruption et l’essoufflement économique sont passés par là, la douce mélopée s’est muée en chant des lamentations.

Les exportations en berne

Il suffit d’examiner les statistiques du commerce extérieur helvétique pour se rendre compte de l’ampleur du phénomène. En 2015, les exportations de montres suisses vers la Chine avaient déjà enregistré un recul de 4,7 % et celles à destination de Hong Kong de 22,9 %. Et encore, il s’agissait là d’un avant-goût, car, sur les quatre premiers mois de 2016, la situation s’est péjorée. Les expéditions de garde-temps helvétiques vers la Chine sont ainsi en chute de 15,8 % entre janvier et avril, et de 28,2 % vers Hong Kong. Des chiffres à comparer avec la baisse moyenne de 9,5 % tous marchés confondus sur ce même premier quadrimestre 2016. En d’autres termes, l’Asie plombe les exportations horlogères suisses, l’Extrême-Orient en tête (– 16,1 %). Et les statistiques d’avril ne sont guère faites pour rassurer puisque c’est au tour de l’Europe de mettre un genou en terre (– 15 % dans l’UE) avec des baisses marquées en Italie (– 12,3 %), en Allemagne (– 11,1 %) et particulièrement en France (– 31,4 %).

Les conséquences de ces nouvelles mesures sont encore difficiles à prévoir dans le détail.
René Weber, spécialiste de l’horlogerie

Pour ce qui est de Hong Kong, cela fait plus d’un an que cette première destination pour l’horlogerie suisse (15 % de parts de marché en 2015) est en proie à des difficultés majeures. Longtemps considérée comme la porte d’entrée naturelle vers l’empire du Milieu en raison de droits de douane privilégiés, cette région administrative spéciale est actuellement en plein marasme vu les évolutions en cours chez son géant de voisin. Or, parmi celles-ci, les taxes d’importation, justement, sont actuellement au centre des débats.

Début avril, les autorités chinoises ont en effet introduit un nouveau prélèvement sur les articles de luxe que les ressortissants du pays rapportent dans leurs bagages. Selon cette réglementation, une montre vendue en Suisse 5 000 yuans (CHF 750.-) est ainsi soumise à une taxe de CHF 450.- à son entrée en Chine, soit 60 % de sa valeur, contre 30 % auparavant. En cas d’oubli, inutile de dire que les pénalités sont largement dissuasives. Si une telle mesure semble avant tout destinée à rapatrier la consommation vers les distributeurs de Chine continentale, il n’est pas certain qu’elle remplisse son objectif.

« Nous devons attendre de voir si les contrôles aux frontières seront plus stricts, avertit René Weber, spécialiste de l’horlogerie auprès de la Banque Vontobel. Les conséquences de ces nouvelles mesures sont encore difficiles à prévoir dans le détail. Cependant, il n’est pas certain que les ventes accrues en Chine même compensent le recul de l’appétit des touristes chinois à l’étranger en raison de la campagne anti-corruption. »

Une taxe contraire à l’accord de libre-échange

Il n’en reste pas moins que les dernières observations faites en la matière ne présagent rien de bon. Selon Global Blue, société qui gère les remboursements de TVA sur les produits détaxés, les achats d’articles de luxe effectués par les touristes chinois en Suisse ont diminué en avril de 7,8 % en comparaison annuelle, après une chute de 19,6 % en mars.

Les exportations horlogères suisses vers la Chine se sont effondrées de 36 % au mois d’avril, le marché étant inondé de stocks.

Le phénomène est encore plus accentué en France, où la baisse a été de 29,3 % en mars et encore de 23 % en avril. Difficile de dire quels ont été les facteurs les plus déterminants de cette baisse de régime, entre les nouveaux visas biométriques demandés pour l’espace Shengen, la vague d’attentats à Paris et Bruxelles, le ralentissement économique chinois ou encore cette nouvelle taxe sur les produits de luxe. En tout état de cause, ses effets attendus sur la consommation intérieure sont pour l’instant des plus évanescents : les exportations horlogères suisses vers la Chine se sont effondrées de 36 % au mois d’avril, le marché étant inondé de stocks.

Pour Jean-Daniel Pasche, Président de la Fédération de l’industrie horlogère suisse, cette nouvelle taxe est contraire à l’esprit de l’accord de libre-échange conclu entre la Suisse et la Chine, entré en vigueur en juillet 2014. Même si elle n’entre pas dans la catégorie des droits de douane à proprement parler, elle n’en figure pas moins au menu des discussions que le secrétariat d’État à l’Économie suisse entend mener avec ses homologues chinois dans le cadre de la révision des termes de l’accord qui doit avoir lieu tous les deux ans et dont la première est prévue à l’automne. D’ici-là, guère de répit pour les horlogers suisses.

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