Quand une montre proposée en série limitée sur un site internet – une pratique de plus en plus courante – part en quelques instants, inutile d’ergoter longtemps, c’est qu’il s’agit d’un modèle mythique. C’est exactement ce qui s’est passé avec les 36 Vacheron Constantin Historiques Cornes de Vache 1955 en acier et cadran noir proposées par Hodinkee au prix de USD 45’000, toutes vendues en moins d’une heure en 2017. Ce « coup » a-t-il inspiré la manufacture ? En tout état de cause, la Maison genevoise y a donné suite. En septembre dernier, après deux premières rééditions, d’abord en platine en 2015, puis en or rose un an plus tard, la manufacture revenait effectivement avec une Historiques Cornes de Vache 1955 en acier et cadran opalin. De quoi satisfaire les amateurs aux poches moins profondes intéressés par ce chronographe emblématique de Vacheron Constantin. Et ils sont nombreux.
En horlogerie, il est des signes qui ne trompent pas. Dès qu’une montre est « affublée » d’un surnom, c’est que les collectionneurs sont déjà de la partie. D’emblée présentée sous cet intitulé en 1955, la montre Cornes de Vache semblait donc destinée à passer à la postérité. Pour autant, bien sûr, que le modèle tienne ses promesses, sous peine de très vite tomber dans les oubliettes horlogères faute de les avoir tenues. Avec un défaut d’image en prime pour une manufacture par trop prétentieuse. Autant dire qu’il n’en a rien été. À ce jour, le chronographe original Cornes de Vache, connu comme la référence 6087, est l’une des trois pièces Vacheron Constantin les plus recherchées, synonyme d’une place de choix au sein de la collection Historiques de la marque qui, depuis 1987, ne donne une seconde vie qu’aux « archétypes » de la Maison.
Frisson vintage
Cet attrait tient d’abord aux caractéristiques techniques de la montre. Équipé du calibre 492 sur base Valjoux 23, ce chronographe à remontage manuel et roue à colonnes lancé en 1955 disposait déjà d’un mouvement éprouvé. Mais un soin tout particulier avait également été apporté au boîtier puisqu’il s’agissait du tout premier chronographe étanche de la Maison, avec fond vissé et double poussoir ronds équipés de joints. Un boîtier également antimagnétique dans la logique des montres instruments de l’époque. L’esthétique du modèle, ensuite, a pleinement joué. Toujours fidèle à des canons esthétiques classiques, Vacheron Constantin n’en a pas moins cherché au fil de ses quelque 260 ans d’histoire à pimenter ses créations d’un brin de fantaisie. Les anses de ce modèle, avec leurs flancs arrondis et galbés, évasés vers les points de soudure, font partie de ces touches d’originalité. En pleine effervescence des années d’après-guerre, la manufacture n’en était pas à son coup d’essai pour avoir déjà présenté des attaches de bracelet « éventail », « maillon de chaîne », « goutte d’eau » ou encore « griffe ». Avec ces anses en forme de virgule, évoquant des cornes de vache, elle faisait à nouveau preuve d’originalité. La rareté du modèle a fait le reste. Produite au nombre de 36 pièces jusque dans les années 1960, cette référence 6087 est entrée dans l’histoire. D’autant que Vacheron Constantin n’a jamais plus eu recours à ses fameuses « cornes de vache ».
La réédition du modèle respecte en tous points ces caractéristiques. Le boîtier a certes gagné un peut d’embonpoint pour passer à 38,5 mm contre 35 mm pour la montre d’origine. Quant à la motorisation, elle repose sur le calibre 1142 sur base Lémania 2310, l’un des mouvements chronographe à remontage manuel incontournable du siècle dernier. L’esthétique, quant à elle, reste parfaitement identique pour proposer un chronographe bicompax d’un grand classicisme qui affiche ses cornes saugrenues comme un emblème. Frisson vintage garanti.