À l’occasion des Journées européennes des métiers d’art qui se sont tenues fin mars dernier, Vacheron Constantin, qui participait par ailleurs à la manifestation via deux ateliers ouverts à Paris et à Milan, annonçait la création du Cercle des 250, dont l’objectif vise à la préservation des patrimoines. Julien Marchenoir, Brand Equity and Heritage Director de la manufacture, en explique la genèse et les derniers développements.
Julien Marchenoir : L’idée est venue d’une réflexion sur nous-mêmes, sur Vacheron Constantin, qui est la plus ancienne manufacture horlogère en activité continue depuis sa fondation, en 1755. Nous nous sommes demandé comment mettre à profit cette histoire, cette expertise. En parallèle, la Maison a montré son intérêt à développer des partenariats dans le monde des arts en général et plus particulièrement dans celui de la musique, notamment avec l’Orchestre de la Suisse romande ou en soutenant le jeune chef d’orchestre espagnol Inma Shara. C’est de cette conjonction qu’est venue l’idée. En tant qu’entreprise horlogère, nous avons lancé des initiatives pour la transmission des savoirs et des savoir-faire tant dans notre domaine d’expertise que dans des univers parallèles. Pourquoi d’autres entreprises ne partageraient-elles pas les mêmes valeurs en mettant leurs talents au service d’une cause, d’un projet commun ? Le Cercle des 250 était né.
Le simple fait de partager des valeurs communes et une histoire séculaire de plus de 250 ans d’activité ininterrompue ne suffisait pas. C’est pourquoi nous avons adopté d’autres critères. Les entreprises doivent ainsi disposer d’un savoir-faire hautement manufacturier et faire preuve d’une maîtrise de leurs processus de fabrication. Donc pas de sous-traitance exagérée, ni de sociétés de services comme des instituts financiers ou des maisons de ventes aux enchères dont certains ont pourtant bien l’âge requis. De plus, nous tenions à ce que ces entreprises aient une ouverture sur le monde et ne cantonnent pas leur rayonnement sur un plan local.
En adoptant ces principes, le nombre de candidats potentiels s’est évidemment considérablement réduit. Durant notre phase de réflexion, nous avons d’abord pu identifier un millier d’entreprises de par le monde dont la date de fondation remonte à plus de 250 ans et qui n’ont jamais cessé leur activité. Au terme du processus, il n’en restait que 150 dont le savoir-faire repose sur des bases forcément artisanales dans la mesure où leur création précède forcément la révolution industrielle.
Pour des raisons culturelles évidentes, nous avons compris que nous étions davantage susceptibles d’intéresser des entreprises européennes, alors que le berceau pour ce type de sociétés est nettement plus large. Un effet d’annonce pouvait avoir un impact des plus positifs. De plus, comme Vacheron Constantin a pris part aux Journées européennes des métiers d’art, une initiative française à la base, les organisateurs à qui nous avons parlé de notre projet ont trouvé cette initiative collégiale des plus intéressantes. Ils nous ont donc poussés à aller de l’avant. Je pense que c’était en effet une bonne décision dans la mesure où nous sommes en train d’organiser un premier tour de table qui devrait nous permettre, à l’automne, d’annoncer ce que l’on pourrait nommer le « noyau dur » du Cercle des 250 avec 5 à 6 entreprises basées en France, aux Pays-Bas, en Grande-Bretagne et en Allemagne.
Plus encourageant encore : certaines sociétés qui sont à la veille de franchir le cap des 250 ans d’existence ininterrompue nous ont déjà contactés pour nous signifier leur intention de nous rejoindre. Idem pour plusieurs porteurs de projet qui ont énormément de peine à trouver le soutien nécessaire à la conservation des patrimoines, notamment en Italie et dans la péninsule Ibérique, où les fonds dévolus à la culture se font de plus en plus rares. Somme toute, cette décision était la bonne. Elle nous a rapidement ouvert de nouvelles perspectives.
Quand nous avons lancé l’idée du Cercle des 250, dont l’objectif est de préserver les patrimoines matériels et immatériels, nous avons eu en réponse de nombreuses questions quant à ce que pouvait bien représenter concrètement un tel projet. Le soutien à la Fondation Martin Bodmer nous offre en effet l’opportunité de présenter ce que l’on veut faire. Cette Fondation est en effet l’une des plus belles bibliothèques privées au monde dont le patrimoine de livres anciens est inestimable. Cette institution n’avait toutefois pas de restaurateur propre et devait sous-traiter tous ses travaux d’entretien et de manipulation à une experte en la matière, en l’occurrence Florence Darbre, dont les talents sont également inestimables. Dans notre souci de transmission des savoirs, nous avons donc proposé de financer un atelier de restauration interne à la Fondation et la formation d’une restauratrice apte à reprendre le flambeau de Florence Darbre sous ses conseils et son expertise. Bien évidemment, les futurs projets seront soumis à un conseil culturel et scientifique. Mais cette première initiative donne le ton. Le Cercle des 250 est désormais sur les rails.