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Vianney Halter, horloger du futur antérieur
Actualités

Vianney Halter, horloger du futur antérieur

mardi, 27 septembre 2016
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Christophe Roulet
Rédacteur en chef, HH Journal

“Vouloir est la clé du savoir.”

« Une trentaine d’années passées dans les travées du journalisme, voilà un puissant stimulant pour en découvrir toujours davantage. »

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9 min de lecture

Environ 500 montres signées de son nom pour une production actuelle de quelque 20 garde-temps par année. Vianney Halter, prix Gaïa 2016, c’est la science mécanique au service d’une vision « rétrofuturiste » de l’horlogerie. Celle qui pourrait fonctionner à la vapeur !

Le propre des artisans-créateurs, ceux qui sont les acteurs de la « nouvelle horlogerie », c’est de réaliser des montres à nulle autre pareilles. En d’autres termes, des garde-temps indentifiables au premier coup d’œil. Et dans ce registre, Vianney Halter fait fort, très fort. Imaginez un instrument qu’aurait pu porter James Mason à son poignet en 1954. Incarnant le Capitaine Nemo dans le 20 000 lieues sous les mers de Richard Fleischer, il aurait très bien pu arborer un objet rutilant doté de cadrans en forme de hublots positionnés sur une platine-tableau de bord indiquant l’heure, la date, le jour, le mois de l’année, bissextile ou non, et, pourquoi pas, la profondeur du Nautilus. Imaginez un tel instrument et vous aurez un aperçu des prouesses horlogères de Vianney Halter. Ou plutôt vous aurez en main son avatar, profondimètre en moins, soit l’Antiqua Calendrier Perpétuel Futur Antérieur, la première montre signée du créateur selon ses aspirations profondes qui projettent la montre et son porteur dans un univers steampunk que Jules Verne n’aurait certainement pas renié.

Vianney Halter
L’Antiqua est la première montre signée Vianney Halter, celle qui a fait connaître son style rétrofuturiste à nul autre pareil. © Fred Merz / Lundi 13
L’horloger et ses « machines »

L’atelier de Vianney Halter à Sainte-Croix, bourgade longtemps dédiée à la mécanique de précision, est à l’avenant. C’est d’ailleurs dans une ancienne usine de mouvements pour boîtes à musique, longtemps une spécialité de cette cité vaudoise sise dans les contreforts du Jura, que l’horloger a pris ses quartiers. Lui et ses « machines ». Des machines vouées à la fonte ou destinées à la casse du temps où l’horlogerie mécanique était devenue un opprobre et qui connaissent une seconde vie chez Vianney Halter. Des machines que l’on reconnaît être des mécanismes d’horloge d’édifice des siècles passés pour lesquels le maître des céans nourrit une véritable « addiction » et qui lui font parcourir l’Europe entière dans le but de compléter sa collection meublant déjà une halle entière. Des machines, enfin, destinées à la mécanique lourde qui lui permettront de rectifier le train d’atterrissage de son avion « canard » de Burt Ruton, dont les ailes sont suspendues au plafond en attendant un nouveau vol inaugural.

Vianney Halter
Dans les années 1970, quand l’horlogerie mécanique n’intéressait plus personne, Vianney Halter a récupéré nombre de machines destinées à la casse.
 © Fred Merz / Lundi 13

Dans cet atelier, que d’aucuns qualifieraient volontiers de « capharnaüm », il serait toutefois erroné de croire que l’agencement relève d’un ordre totalement aléatoire. Il suffit de voir Vianney Halter s’extasier devant une pointeuse SIP de 1943, récupérée et transformée par ses soins en une machine numérique dont la précision d’origine, de l’ordre du 1/10 de micron, n’a pas varié d’un pouce pour comprendre que son environnement régit à ses propres lois. Des lois fort éloignées de celles régissant une manufacture conçue pour produire en mode semi-automatique des centaines de mouvements. Non, chez Vianney Halter, on réfléchit en termes d’unités, d’exclusivité, de qualité irréprochable de produits de Haute Horlogerie. On réfléchit au temps, à celui qu’il faut pour réaliser une montre d’exception et, surtout, à celui nécessaire pour la concevoir dans cet esprit où l’homme fait corps avec la machine. Aujourd’hui, une vingtaine de garde-temps sort de ses ateliers chaque année. Quant aux montres portant son nom, on en dénombre à ce jour environ 500 de par le monde.

Vianney Halter
Au milieu des engrenages d’horloges d’édifice collectionnées par Vianney Halter, six siècles d’histoire horlogère vous contemplent. © Fred Merz / Lundi 13
Et vint la Deep Space

C’est précisément cette approche de l’horlogerie qui a valu à Vianney Halter de remporter le prix Gaïa 2016 dans la catégorie Artisanat-Création. « Cette distinction me touche particulièrement, car il s’agit d’un prix qui récompense le travail de toute une vie et pas seulement telle ou telle création, comme c’est généralement le cas, explique l’intéressé. Cela veut dire que l’univers horloger que j’ai imaginé et dans lequel je me suis exprimé suscite une forme de reconnaissance de mes pairs. Voilà qui est réconfortant. » Une reconnaissance qui ne date d’ailleurs pas d’hier puisque Vianney Halter a déjà été primé à trois reprises dans le cadre du Grand Prix d’Horlogerie de Genève. La première fois en 2003 avec l’Opus 3 développée pour Harry Winston, la seconde en 2011 en tant que meilleur Horloger-Concepteur et, finalement, en 2013 pour sa Deep Space. Ce garde-temps met en scène, littéralement, un tourbillon à trois axes positionné au centre du mouvement et conçu de telle manière que la rotation du troisième axe se fasse grâce à un système de berceau ouvert et supporté d’un seul côté pour un maximum de transparence. Du grand art !

Vianney Halter
La Deep Space est une montre de l’espace à quatre dimensions : la 3D pour le tourbillon à 3 axes et la dimension temporelle. © Fred Merz / Lundi 13

Pour Vianney Halter, cette Deep Space revêt une importance particulière à plus d’un titre. Parfaite illustration de son savoir-faire, elle a largement contribué à faire connaître son auteur auprès d’amateurs sensibles à une approche différente de l’horlogerie qui, par là même, ont pu découvrir son travail et ses réalisations antérieures. Autrement dit, avec la Deep Space, c’est l’Antiqua qui a refait surface et qui fait aujourd’hui l’objet de commandes soutenues. Deux montres différentes en apparence mais qui relèvent d’une même attirance pour les univers parallèles. Si l’Antiqua, montre de marine au poignet, fait ainsi clairement référence aux représentations rétrofuturistes d’un monde où l’électricité serait encore à inventer, la Deep Space est quant à elle inspirée de Star Trek, série culte de science-fiction des années 1960. « Cette montre, j’en ai rêvé, explique Vianney Halter. Cela peut paraître un peu fou mais à force de visionner la série j’en étais imprégné au point que mes rêves m’ont directement servi d’inspiration pour la construire. Cela m’a pris un an. Un an d’allers et retours entre un monde onirique dérivé de Star Trek et la planche à dessin de mon ordinateur. » Le résultat est des plus probants. Non seulement cette montre aux quatre dimensions – le temps s’ajoutant à la 3D – a été saluée comme une réalisation majeure, mais elle a également joué un rôle de premier plan pour son auteur.

Vianney Halter
La série Star Trek des années 1960, dont les héros ornent les murs de l’atelier, a été la principale source d’inspiration de la Deep Space. © Fred Merz / Lundi 13
Une seconde vie d’horloger

Nous sommes en 2010. Vianney Halter, 47 ans, a déjà un riche parcours derrière lui. Diplômé de l’École d’horlogerie de Paris, il commence par travailler à la restauration de pièces anciennes pendant trois ans. L’indépendance qu’il a chevillée au corps lui fait toutefois prendre son envol en 1989. Il crée alors son propre atelier de restauration avant de s’installer à Sainte-Croix, où il s’associe avec François-Paul Journe et Denis Flageollet dans le but de réaliser des complications horlogères pour le compte de tiers. La pendule sympathique de Breguet va par exemple l’occuper pendant une bonne année, tout comme le « coup de main » qu’il apporte à l’automatier François Junod. En Suisse comme en France, la création d’une entité propre suivra avec le lancement, en 1994, de la Manufacture Janvier, en référence au grand horloger Antide Janvier (1751-1835). C’est dans ce cadre qu’il commence à développer ses propres idées tout en œuvrant aux réalisations de Maisons comme Audemars Piguet, Franck Muller, Jaquet Droz ou Mauboussin. Avec des commandes qui commencent à se faire plus rares en raison d’un ralentissement conjoncturel en Asie, Vianney Halter met à profit cet espace de liberté pour créer l’Antiqua, une pièce qui le fera remarquer par Philippe Dufour et l’Académie des Horlogers créateurs indépendants (AHCI). Pour Vianney Halter, c’est le début d’une signature et bientôt d’une marque qu’il fera vivre de front avec des projets qui le voient réaliser l’Opus 3 pour Harry Winston, une Heure Sautante Phases de Lune pour Goldpfeil ou encore le mécanisme de base d’une aventure nommée Cabestan.

Vianney Halter
Autrefois dévolus à la réalisation de mouvements pour boîtes à musique, les locaux désormais occupés par Vianney Halter connaissent une nouvelle vie dans l’horlogerie mécanique. © Fred Merz / Lundi 13

Sous son nom apparaissent notamment la Classic, montre trois aiguilles produite à 250 exemplaires, et surtout la Classic Janvier, un modèle indiquant l’heure, les cycles de la lune et une équation du temps traînante, véritable rareté. Nous sommes précisément en 2010 et l’horlogerie porte encore les stigmates de la crise des subprimes. Pour Vianney Halter, c’est le creux de la vague. La Manufacture Janvier, qui avait compté jusqu’à 17 collaborateurs, licencie. La critique devient méchante, les blogueurs acerbes. Et pourtant, l’inspiration reste intacte. Star Trek n’en finit pas de tourner en boucle. Et la Deep Space commence à émerger des limbes. Une seconde vie d’horloger se dessine pour Vianney Halter, synonyme d’une nouvelle organisation : un pied à Sainte-Croix pour la création et les coups de folie et un pied à Dubai pour l’assemblage et un embryon de production dans un émirat prêt à encourager toute velléité horlogère sur son sol. Au milieu, un Vianney Halte qui court dans son atelier, comme pour rattraper des idées qui fusent d’une machine à remonter le temps… Pour preuve, sur l’un des établis trônent des chronographes russes des années 1950, dûment désossés, dont quelques pièces participent du prototype en préparation, préambule d’une nouvelle montre Vianney Halter en partance pour un Voyage au centre de la Terre.

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