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Economie

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mardi, 18 novembre 2014
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Christophe Roulet
Rédacteur en chef, HH Journal

“Vouloir est la clé du savoir.”

« Une trentaine d’années passées dans les travées du journalisme, voilà un puissant stimulant pour en découvrir toujours davantage. »

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6 min de lecture

Le thème du 6e Forum de la Haute Horlogerie portait sur l’avenir qui nous attend et comment l’aborder pour tenir sur la longueur. Au cœur des débats, ces nouvelles technologies qui s’affichent désormais au poignet et qui nous rendent esclaves.

L’environnement des entreprises comme des individus dans leur vie quotidienne est en constant changement. En d’autres termes, ce qui, de nos jours, ne change pas, c’est bien le changement lui-même. À force de l’entendre, cette vérité est devenue un véritable truisme. Elle n’en représente pas moins un certain nombre de défis dans la mesure où plus rien n’est épargné par cette mouvance : la démographie, les technologies et, partant, les marchés. C’est pour tenter d’y voir plus clair que la Fondation de la Haute Horlogerie a posé comme thème de son 6e Forum « What’s next », une rencontre tenue à Lausanne à mi-novembre.

Nouveaux équilibres

Au niveau des marchés, Stéphane Garelli, professeur de compétitivité mondiale à l’IMD, a dressé un tableau plutôt sombre des conséquences de la globalisation pour le monde postindustriel. La globalisation s’est en effet traduite par des investissements de l’ordre de USD 3’000 milliards de la part des États-Unis, de l’Europe et du Japon vers les économies émergentes entre 1980 et 2010. Résultats : un large phénomène de désindustrialisation dans les pays « donateurs », une création de richesses sans précédent dans les pays « récipiendaires » et des montagnes de liquidités accumulées dans les compagnies globales, à l’instar d’Apple, assis sur un trésor de guerre de USD 148 milliards. Les États surendettés en profitent-ils sous forme de revenus fiscaux, voire d’investissements synonymes de créations d’emplois ? Rien n’est moins sûr. Avec EUR 2’000 milliards au passif, la France, par exemple, doit consacrer 12 % de son budget au service de la dette et souffre d’un taux de chômage de 8 %, voire de 25,4 % auprès des jeunes. C’est donc ailleurs que cela se passe. Dans ces économies émergentes, précisément, où naissent aujourd’hui les compagnies mondiales de demain et où les besoins primaires sont encore le moteur de la croissance. Sous nos latitudes, l’économie du remplacement s’essouffle.

La réponse à ce nouvel équilibre des forces est l’innovation.

Pour certaines compagnies comme Google, la réponse à ce nouvel équilibre des forces est l’innovation, à outrance. Et qui dit « innovation » dit « nouvelles technologies à même d’apporter de la valeur ajoutée “intelligente” », selon Patrick Warnking, Directeur général de Google Suisse. Et de citer en exemples les lunettes, les voitures ou les lentilles de contact intelligentes, autant de projets sur lesquels travaille la multinationale. Sans oublier la nouvelle plateforme internet de la marque, elle aussi intelligente dans la mesure où elle anticipe les besoins de l’utilisateur. « À l’heure actuelle, 5 milliards de personnes ne sont toujours pas connectées », rappelait-il. Inutile de vouloir chiffrer le potentiel que cela peut représenter pour une entreprise comme Google. Ou Apple, d’ailleurs, qui secoue la planète horlogère depuis quelques mois avec sa montre, encore un produit connecté à défaut d’être « intelligent », comme celui de Google dans ce même registre.

Donner du temps au temps

Cette incursion de l’innovation électronique dans l’univers de la mesure du temps a donné le coup d’envoi d’une bataille que l’on prédit épique pour la conquête du poignet, selon les termes d’Elisabeth Paton, spécialiste de la question pour le Financial Times, qui cite les projections de Citi Group pour évaluer le marché des smartwatches à 10 milliards de dollars d’ici trois ans. Une menace pour l’horlogerie mécanique suisse ? Pas si sûr, dans la mesure où l’on parle de produits différents, véhiculant une identité différente et, surtout, d’une gamme de prix différente. « Mais ceux qui pensent que les smartwatches ne mènent nulle part font fausse route, exposait-elle. Plus de la moitié de la population mondiale a moins de 30 ans et cette génération vit dans un monde où l’on ne peut plus envisager évoluer sans connexion. En ce sens, ces produits font déjà partie de leur environnement. »

« Innovation » signifie « création ».

Dans ce même ordre d’idées, à relever qu’Hermès a été l’une des toutes premières entreprises du luxe à ouvrir son site internet à la vente de produits en ligne. Il n’en demeure pas moins que l’horizon de temps de la Maison est loin de l’immédiateté à laquelle on est aujourd’hui habitué. « Demain pour Hermès, cela veut dire dans 10 ou 15 ans, précisait Axel Dumas, gérant d’Hermès International. » Ce qui n’empêche pas la Maison d’être elle aussi dans une quête perpétuelle de l’innovation. Seulement, pour Hermès, « innovation » signifie « création ». « C’est en évitant la banalisation que l’on obtient la radicalité du style, ce rapport si particulier au temps passé, présent et futur », poursuivait Axel Dumas, qui voit dans la liberté la meilleure source de compétitivité : liberté de créer et de communiquer, liberté d’entreprendre.

Éloge de la lenteur

Il n’en reste pas moins que ces efforts des entreprises visent essentiellement à toucher le client. Or les clients d’aujourd’hui et de demain, ce sont les « millenials », ces individus nés entre 1980 et 2000 qui représentent globalement la population au plus fort pouvoir d’achat. Pourtant, une chose est sûre, analysait Diana Verdi Nieto, cofondatrice de Positive Luxury, ces gens-là sont des consommateurs différents. Nés avec le numérique, ils sont constamment dans le partage, dans l’interconnexion et la recherche de nouvelles expériences. Les entreprises qui voudraient l’ignorer se mettent en danger.

La quête du bonheur est incompatible avec nos modes de vie.
Frédéric Lenoir

Autant pour ces univers projetés vers des lendemains qui devraient chanter si correctement appréhendés. Mais cette adéquation potentielle a son envers, sa face cachée voulant que, pour « en être », il faut rester dans la course : travailler plus et plus vite, être disponible toujours et tout le temps. En un mot, faire partie de la « burn-out generation », comme le stigmatise Carl Honoré, auteur et chantre de la lenteur. Pour lui, il ne s’agit pas de faire plus mais mieux. Or, pour faire mieux, il s’agit non seulement de prendre le temps nécessaire pour le réaliser mais surtout de ralentir le rythme effréné de nos existences pour se donner l’opportunité de l’action réfléchie, donc efficace. Même schéma de pensée avec le philosophe Frédéric Lenoir, adepte d’Aristote et Épicure. « En un sens, la quête du bonheur est incompatible avec nos modes de vie qui rendent impossible toute intériorité, disait-il. Pour atteindre cet équilibre, il faut du temps. Il faut apprendre à se connaître, comme le préconisait Socrate, pour être à même de discerner les plaisirs qui concordent avec cette harmonie recherchée. » Une leçon à méditer un smartphone à la main.

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